Directeur Général de la Bourse des valeurs d’Alger depuis 2013, Yazid Benmouhoub a une riche expérience dans l’administration publique algérienne avec plusieurs années passées dans les services du ministère des Finances et celui de la Prospective et des Statistiques. Dans l’entretien exclusif accordé au magazine Le Marché, il souligne les performances réalisées par la place boursière d’Alger et livre un diagnostic sur les défis liés à l’intégration des bourses africaines.

Comment se comporte la bourse d’Algérie à la date du 15 septembre 2024 en termes de capitalisation et de transaction sur les titres ?

La Bourse d’Alger a récemment connu une importante progression. Après l’introduction de la banque Crédit Populaire d’Algérie (CPA) en mars 2024, la capitalisation boursière a été multipliée par sept, atteignant environ 532 milliards de dinars algériens (environ 3,95 milliards de dollars). Cette introduction a permis la vente de 49 millions d’actions du CPA, représentant environ 24,48 % du capital de la banque, et a joué un rôle clé dans cette augmentation. La réforme du marché financier, initiée par les hautes autorités, va permettre à la Bourse d’Alger de gagner en profondeur, avec de nouvelles introductions, prochainement. Par ailleurs, la digitalisation de son système d’information, avec du trading en ligne, va permettre d’accroitre la liquidité du marché et toucher un plus grand nombre d’investisseurs.

Sur un autre volet et non des moindres, nous sommes partie prenante dans un ambitieux programme d’éducation financière, en collaboration avec l’Association des banques et établissements financiers (ABEF) et l’Union des assureurs et réassureurs (UAR), dont le but ultime est l’atteinte d’un niveau plus élevé de l’inclusion financière, en Algérie. Ces développements montrent des efforts continus de la part des autorités algériennes pour renforcer le marché boursier, de sorte qu’il devienne un acteur majeur au niveau régional et international.

Quelle lecture vous faites de la situation des marchés boursiers africains en termes d’intégration. Est-ce qu’elles sont bien développées ?

Les marchés boursiers africains restent relativement sous-développés par rapport à d’autres régions du monde, mais l’intégration et la coopération entre certains d’entre eux sont en progrès. La majorité des bourses africaines sont petites, avec peu d’entreprises cotées et un faible volume d’échanges. Les principales bourses incluent celles de Johannesburg (Afrique du Sud), Le Caire (Égypte), Nairobi (Kenya), et Lagos (Nigeria), qui dominent en termes de capitalisation boursière. Nous assistons, toutefois, à des regroupements de bourses qui permettent l’émergence de places Boursières de tailles respectables, telle que la BRVM (Bourse Régionale des Valeurs Mobilières).

En termes d’infrastructure financière, les systèmes de règlement et de compensation ne sont pas uniformisés, tout comme la disparité des réglementations complique les investissements transfrontaliers et l’intégration. Par ailleurs, le manque de liquidité, décourage les investisseurs qui sont souvent réticents à s’engager à cause de la difficulté à se dessaisir de leurs titres facilement. Une union monétaire élargie pourrait baliser le terrain à une intégration réussie des divers marchés pour faire de l’Afrique un Hub financier de premier ordre, capable de rivaliser avec les plus grandes places boursières à travers le monde. L’Afrique regorge de talents, offrons-leur les moyens de servir notre continent

Aujourd’hui, on note de plus en plus la présence des obligations vertes, sociales et durables sur les places boursières africaines. Qu’est ce qui explique cet engouement ?

L’engouement croissant pour les obligations vertes, sociales et durables sur les marchés boursiers mondiaux est une réalité et connait des développements rapides. Les gouvernements africains doivent s’approprier ses outils de financement innovants afin de financer des projet verts, nécessaires à la protection des populations fragiles et les écosystèmes. Les financements verts ont à la fois des vertus économiques, environnementales et sociales. Ces instruments financiers offrent des opportunités pour financer des projets ayant un impact positif tout en répondant aux défis du développement durable auxquels les pays africains font face.

L’Afrique fait face à d’importants défis dans le cadre de son développement durable, notamment en termes d’infrastructures, de transition énergétique, d’accès à l’eau potable, et de lutte contre la pauvreté. Les obligations vertes, sociales et durables permettent de financer des projets d’envergure dans des domaines tels que les énergies renouvelables, gestion de l’eau, protection des forêts, etc., financement de projets sociaux tel que l’accès à l’éducation, à la santé, lutte contre la pauvreté.

Les pressions des organisations internationales (Banque mondiale, FMI, ONU, etc.) et des accords comme l’Accord de Paris sur le climat ont incité les pays africains à adopter des politiques environnementales et sociales plus rigoureuses. Les gouvernements et les entreprises cherchent des moyens de financer ces initiatives et les obligations vertes et sociales offrent une solution innovante et attractive. Les obligations vertes et durables attirent un groupe croissant d’investisseurs institutionnels à la recherche d’actifs conformes aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ces investisseurs, notamment des fonds de pension, des gestionnaires d’actifs et des banques de développement, privilégient désormais les placements ayant un impact positif. L’émission de ce type d’obligations permet aux émetteurs africains d’accéder à ce bassin d’investissements global, renforçant ainsi leur capacité de financement.

Il est à noter que plusieurs pays africains ont mis en place des politiques et des cadres réglementaires pour encourager l’émission d’obligations vertes et durables comme la Bourse de Johannesburg (JSE) qui a lancé une plateforme dédiée aux obligations vertes et le Nigeria, qui a émis sa première obligation verte souveraine en 2017 pour financer des projets liés à la lutte contre le changement climatique.

Ces initiatives témoignent d’un soutien actif des régulateurs et des gouvernements africains en faveur de la finance durable. Enfin, il est nécessaire de préciser que des organisations telles que la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale soutiennent activement l’émission d’obligations vertes et sociales en Afrique, offrant des garanties et des financements pour faciliter leur émission et leur succès sur les marchés. La BAD, par exemple, a lancé plusieurs initiatives pour encourager la finance durable sur le continent.

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