Du 25 au 27 juin 2025, la ville d’Abidjan en Côte d’Ivoire a accueilli le 1er Colloque Sous-Régional de la Plateforme Médias UEMOA. Une rencontre tenue sous le thème « Le journalisme économique à l’ère des mutations technologiques et de l’intégration régionale : défis, opportunités et perspectives pour l’UEMOA », a rassemblé journalistes, institutions communautaires, chercheurs et experts pour réfléchir à la place des médias économiques dans le processus d’intégration régionale.
À l’origine de cette initiative, un collectif de journalistes économiques issus des huit pays membres de l’Union, désireux de mieux décrypter les politiques communautaires et de les rendre accessibles aux citoyens. Léonard Dossou, coordonnateur de la Plateforme Médias UEMOA, a rappelé la genèse de cette dynamique. « Cette rencontre n’est pas le fruit du hasard », a-t-il souligné. « Elle s’inscrit dans une vision collective : celle d’une presse économique au service de l’intégration, de la transparence et de la bonne gouvernance. »
Pour M. Dossou, les priorités de la Plateforme sont claires : « renforcer les capacités techniques des journalistes, promouvoir l’analyse des politiques publiques régionales, créer des passerelles entre les médias et les institutions, et surtout, aider les populations à mieux s’approprier les réformes communautaires. » Face à un environnement technologique et médiatique en constante mutation, il appelle à une profession plus agile, proactive et structurée. « Le journalisme économique doit se réinventer, se renforcer et se projeter », insiste-t-il.
Défis et obstacles dans l’espace UEMOA
Présent lors de l’ouverture du colloque, Gustave Diasso, représentant résident de la Commission de l’UEMOA en Côte d’Ivoire, a salué la tenue de cet événement et réaffirmé l’importance des médias dans le projet communautaire. « Les médias jouent un rôle crucial dans nos sociétés, notamment en termes d’information et de sensibilisation sur les sujets importants qui rythment la vie de nos communautés. C’est pourquoi la Commission a soutenu la création de la Plateforme des Médias de l’UEMOA. »
Mais le représentant de la Commission ne cache pas les difficultés à surmonter : « Aujourd’hui, nous faisons face à plusieurs défis. Le premier, c’est l’insuffisance de compétences spécialisées. Trop peu de journalistes sont véritablement formés aux questions économiques, fiscales, budgétaires ou monétaires. Cela limite la profondeur et la qualité de l’information transmise aux citoyens. »
Il poursuit : « Un autre obstacle majeur est l’accès difficile aux données économiques. Bien que des efforts soient faits en matière de transparence, dans bien des cas, les journalistes ne disposent pas des informations nécessaires pour produire des analyses crédibles et contextualisées. Ce manque d’accès nuit à la rigueur de l’information. »
M. Diasso évoque également la complexité des réformes communautaires : « Ce sont des politiques parfois très techniques, qui demandent du temps pour être comprises, assimilées, expliquées. Or, les rédactions sont souvent confrontées à des contraintes de moyens, de temps, de pression éditoriale. Cela rend difficile un suivi rigoureux des chantiers de l’Union. »
La transformation numérique constitue un autre défi de taille. « Le paysage médiatique évolue à grande vitesse. Il faut aujourd’hui composer avec de nouveaux formats, des réseaux sociaux omniprésents, une information instantanée. Mais cette accélération peut nuire à la qualité. Elle appelle à de nouvelles compétences, notamment en matière de vérification et de traitement de l’information », a-t-il souligné
Des ambitions à venir
Enfin, M. Diasso est revenu sur la question des conditions de travail : « La précarité des journalistes dans certains pays reste préoccupante. Il est difficile de produire une information économique exigeante, sur le long terme, lorsqu’on manque de stabilité, de ressources ou d’accès à la formation continue. »
Au-delà de ce diagnostic, le représentant de l’UEMOA a rappelé les ambitions portées par l’Union pour les années à venir. Le 10 janvier 2024, l’organisation a célébré ses 30 ans. Et avec la Vision 2040, elle entend devenir « un espace économique et monétaire durablement intégré, paisible et prospère, ouvert sur l’Afrique, avec une position stratégique consolidée dans le monde ». Cette vision se décline à travers le plan stratégique IMPACT 2030, qui vise à faire de l’UEMOA « une institution agile, locomotive de l’intégration et de la transformation structurelle des économies ».
Dans cette perspective, la communication autour des politiques communautaires est essentielle. « Le colloque d’Abidjan est l’occasion de partager avec les représentants des médias les grands chantiers de l’Union. Car sans compréhension, il n’y a pas d’adhésion. Et sans médias solides, pas d’appropriation citoyenne », a déclaré M. Diasso. Il estime que l’émergence d’une presse économique dynamique, crédible et connectée aux enjeux régionaux est un levier majeur pour réussir cette transformation.
Les travaux du colloque ont permis d’ébaucher des pistes concrètes, notamment la création d’un réseau de journalistes économiques à l’échelle de l’Union, le développement de partenariats avec les institutions communautaires, ou encore la mise en place de formations spécialisées et de programmes d’échange.
En conclusion, Léonard Dossou a appelé à faire de cette première édition « le socle d’un réseau solide, capable de porter durablement les ambitions de la Plateforme et de faire du journalisme économique un pilier de l’intégration régionale ».