En réunion du conseil des ministres, jeudi 3 juillet 2025, le Chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, a demandé au Ministère des Finances et du Budget du Sénégal, de proposer, sous la supervision du Premier Ministre, une stratégie de rationalisation opérationnelle des instruments de financement publics (CDC, FONSIS, FONGIP, BNDE, BHS, LBA, FONAMIF, DER/FJ…).
Il y a un an, en juin 2024, un de nos experts, Demba SIBY, dans une tribune publiée dans le 3è numéro de Le Marché, s’était penché sur le même sujet en suggérant une fusion de la La Banque Agricole BNDE | Banque Nationale pour le Développement Economique et Banque de l’habitat du Sénégal. Nous vous proposons in extenso la tribune.
L’histoire économique contemporaine enseigne que la plupart des pays qui ont connu des phases de développement économiques ont su se doter des systèmes financiers capables de canaliser efficacement les ressources financières importantes vers l’investissement productif. Ainsi, après de sérieuses réformes conduites vers la fin des années 80, le système bancaire et financier sénégalais a entamé un nouveau virage. L’activité du secteur bancaire et financier sénégalais témoigne d’une constante évolution depuis ces dernières années. En tant qu’acteur majeur de l’économie, le secteur bancaire continue à soutenir l’activité économique d’une manière générale dans un contexte difficile marqué par la période post Covid 19 et la guerre en Ukraine.
En fin Octobre 2023, le Sénégal comptait 28 banques et 4 établissements financiers à caractère bancaire. Le réseau utilisé par le secteur a poursuivi son expansion avec 550 points de services sous forme de bureaux et d’agences physiques et 711 guichets et distributeurs automatiques de billets avec un effectif de 6 810 agents. Le nombre de comptes ouverts auprès de ces institutions est de 2 920 268. Quant à l’activité des établissements de crédit, il est noté que le niveau des dépôts s’est situé à 8 644 milliards de FCFA contre 6 966 milliards de Fcfa en 2021 soit une hausse de 24%. Cet encours est principalement de courte maturité (59%) ; les dépôts à terme représentant 41% des dépôts.
S’agissant de l’encours des crédits, il a connu une augmentation de 20,4% par rapport à 2021 afin de s’établir à 6 847 milliards de Fcfa ; il est composé majoritairement de crédits à moyen (49,6%), de 6% pour le long terme et le court terme (44,4%). Ce dynamisme de l’activité a été accompagné d’une amélioration continue de la qualité du portefeuille, avec des taux de dégradation brut de 11,6% en 2022 contre 15,5% en 2021. Les banques sont essentiellement concentrées dans la région de Dakar avec 61 % des agences et 39 % dans les autres régions du Sénégal.
En ce qui concerne le classement en 2022, le groupe des 10 premières est dominé par les banques étrangères de la zone à savoir les Français et les Marocains. La Société Générale du Sénégal reprend la tête de la plus grande banque au Sénégal en terme de Total bilan (1341 milliards FCFA), devant sa rivale marocaine CBAO 2ᵉ qui perd sa couronne (1 333 milliards FCFA) et la banque togolaise, en l’occurrence ECOBANK Sénégal intact à la 3ᵉ place (964 milliards FCFA). La BHS la première banque cotée du pays est rétrogradée jusqu’à la 6ᵉ position avec des actifs de 703 milliards FCFA, LBA avec un total bilan de 400 milliards Fcfa se positionne à la 15e place du classement et enfin la BNDE prend la 19e place avec des actifs de 380 Milliards de Fcfa.
La part de marché des banques d’Etat (BHS, LBA et BNDE) ne représente que 17% de l’encours global des crédits alloués par le secteur bancaire au financement de l’économie.
Ainsi, pour améliorer la contribution des banques d’Etat dans le financement de l’économie (augmentation du ratio des crédits à l’économie, rapporté au PIB), il urge de mettre en œuvre des réformes majeures permettant à l’Etat du Sénégal de mutualiser les forces et les ressources de l’ensemble de ses banques, de mieux structurer l’offre et développer de nouveaux produits utiles porteurs d’opportunités de développement économique et social du Sénégal.
Pour cela, il serait pertinent de mettre en place une grande holding bancaire qui regrouperait les trois grandes banques d’Etat que sont : La Banque Agricole, La Banque de l’Habitat du Sénégal et la Banque Nationale de Développement économique.
La Holding soutiendra les efforts du Gouvernement du Sénégal dans les secteurs prioritaires de notre économie et la promotion des activités entrepreneuriales et de génération de revenus durables dans les chaînes de valeurs à haute valeur ajoutée, comme riposte à moyen et long terme à la conjoncture économique difficile que traverse le pays. Les économies d’échelles pouvant être réalisées grâce à la mutualisation des budgets d’investissements et des compétences opérationnelles. Elle renforcera également la capacité de ses banques à se transformer pour atteindre son objectif de banque leader au Sénégal et dans la zone de l’UEMOA autour de quatre principaux axes suivants :
La consolidation de ses capacités financières pour assurer la continuité des modèles économique et structurel dans le but d’atteindre la taille critique des fonds propres pouvant faciliter la négociation avec des partenaires pour l’obtention de ressources structurelles et l’accès aux marchés de capitaux l’international :
- La banque agricole : Accélérer le financement des chaînes de valeurs agricoles par une prise en charge de tous les besoins des filières prioritaires du secteur primaire ;
- La banque de L’habitat : Accompagner le secteur de l’habitat et des métiers connexes ;
- La banque nationale de développement économique : Promouvoir le financement des entreprises du secteur formel et du secteur informel avec l’appui de l’ADEPME pour la structuration et la labélisation des PME.
- Une politique d’implantation de nouvelles agences : Ce processus s’appuie sur le développement de l’épargne nationale qui devra à terme stimuler l’économie du pays en favorisant l’accès des habitants (notamment dans les contrées les plus reculées) aux services financiers, d’améliorer la croissance et de combattre la pauvreté ;
- Une stratégie d’internationalisation des banques : la possibilité d’un positionnement de la banque dans les pays de l’Uemao et/ou Cdeao pour accompagner la croissance externe des entreprises nationales et bonne une prise en charge des besoins des sénégalais de la diaspora avec l’ouverture des succursales à l’étranger (France, Italie, USA, Maroc, Cote d’ivoire, etc…) ;
- Enfin la diversification des activités de la banque et la mise en œuvre d’un plan clair pour sa transformation digitale. Il faut miser sur l’essor de la finance islamique, du digital et de la téléphonie mobile qui devrait rapidement améliorer l’adhésion au système financier et booster le niveau de bancarisation des ménages sénégalais. Le téléphone portable représente ainsi un excellent outil pour faciliter les transferts d’argent depuis un compte bancaire.
Par Demba Siby, Responsable du réseau d’agences bancaires à La Banque Agricole du Sénégal (LBA),