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MAMADOU NGOM, ÉCONOMISTE-FISCALISTE

De plus en plus, des débats surgissent sur la nécessité d’appliquer une taxe aux GAFAM au Sénégal. Quelles appréciations vous en faites ?  

D’abord, il faut analyser la position au dernier classement de l’Indice de développement des TIC en 2010 qui fait passer le Sénégal de la 137ᵉ à la 132ᵉ place. Ce qui représente un gain de 5 points. En revanche, nous constatons que la contribution de l’industrie des TIC au PIB a connu une légère baisse entre 2021 et 2022, de 3,8% à 3,6%. 

Même si nous avons une position confortant en Afrique, il n’en reste pas moins que nous avons encore d’autres priorités fiscales à dérouler que de taxer les GAFAM. 

Actuellement, nous sommes en avance sur la réglementation des prix de transfert par rapport aux autres pays de l’UEMOA. Car, à part le Sénégal, seuls le Burkina et la Côte d’Ivoire ont adopté cette réglementation qui relève d’une fiscalité internationale plus opportune et sécurisante que la taxation des GAFAM. 

Il s’y ajoute aussi que dans les objectifs prioritaires de la ZLECAF, il y a le développement et la technologie numérique qui pourront relancer les échanges intracommunautaires. 

Pour toutes ces considérations, je ne trouve pas forcément opportune de relancer la taxation des GAFAM au Sénégal 

Est-ce aujourd’hui possible pour le Sénégal de mettre en place un système de taxation pour les GAFAM ? 

À mon avis, c’est toujours possible pour le Sénégal de mettre en place un système de taxation des GAFAM. D’abord, du point de vue technologique, des secteurs performants comme SÉNÉGAL NUMÉRIQUE, ARTP et bien d’autres peuvent jouer leur partition à ce levier fiscal. 

D’autre part, la souveraineté des États en matière fiscale nous permet de mettre en place cette taxation. Je ne pense pas que les quelques conventions fiscales internationales signées avec d’autres pays pourraient compromettre cet objectif fiscal visé  

Du point de vue sous régional, il convient de noter que le Sénégal, pays membre de l’UEMOA, a adopté des directives visant à harmoniser les politiques de contrôle et de régulation du secteur des télécommunications comme la Directive 02/2006/CM/UEMOA. Il faut dire que 2006 est la période charnière dans l’UEMOA portant sur plusieurs textes communautaires relatifs aux régimes de tarification, au cadre de coopération des TIC.  

Parmi tous ces textes, l’aspect fiscal des TIC, même s’il est en gestation, n’est pas encore publié. Donc, même avec la possible mise en place de cette taxation, il faut prévoir d’éventuels changements pour se conformer aux directives et décisions communautaires. 

Quelles stratégies mettre en place pour contraindre les GAFAM à s’acquitter des taxes ? 

Les mécanismes mis en place pour taxer les GAFAM  sont dictés par la fonction d’affectation qui est une fonction financière de l’impôt qui consiste à apporter des corrections. C’est une fonction qui assure une allocation efficiente des ressources fiscales et leur distribution adéquate entre besoins privés et besoins publics.  

Sans cette fonction, deux mesures fiscales s’offrent. L’une consiste à mettre en place une taxation supplémentaire ou au taux marginal en vue de corriger certaines externalités négatives. Ici, je ne pense pas que ça soit le cas. L’autre mesure consiste à mettre en place des régimes de faveur visant à encourager certaines entreprises créatrices de fortes valeurs ajoutées et qui améliorent aussi le cadre de vie des personnes par la création d’emplois et d’infrastructures au développement. 

Connaissez-vous des pays qui ont réussi à instituer un cadre réglementaire relatif à la taxation des GAFAM dans le monde ? 

Les pays qui ont réussi à constituer un cadre réglementaire sur la taxation des GAFAM sont en évidence certains pays de l’UE comme la France, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. Ces pays, en collaboration avec les USA, se sont engagés à remplacer les régimes de taxation unilatérale des GAFAM par un impôt mondial qui semble être plus efficace. 

Ce grand projet fiscal mondial qui sera sans doute porté par l’OCEDE, comme ce fut le cas avec les prix de transferts, pourrait connaître un grand succès. 

À mon avis, les économies de l’UEMOA, à l’instar du Sénégal, gagneraient à adopter ce dispositif fiscal visant réglementations des GAFAM. 

Vu la force économique des GAFAM, il faut une disposition fiscale à l’image d’un impôt mondial pour garantir un réel succès de la taxation des GAFAM.

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