Le système bancaire africain connaît d’importants mouvements ces derniers mois avec le retrait de nombreuses banques occidentales comme la BNP Paribas, la Société Générale… Ces départs ne sont pas sans conséquences sur le marché local des banques qui devront relever les défis du management organisationnel, de la gestion des risques et des innovations qui caractérisent l’environnement de ce secteur.

Les banques occidentales continuent leur retrait du marché africain. Les dernières opérations de désengagement ont été observées sur certaines places comme le Maroc, la Mauritanie, la RDC où la Société générale a cédé ses filiales. Au Sénégal, la BNP Paribas est rachetée par Sunu… La liste est loin d’être exhaustive. Au-delà de l’observation de ces mouvements qui semblent tout à fait normaux dans un secteur aussi dynamique, l’on s’interroge sur les facteurs ayant conduit à ces départs et les risques qui pourraient en découler. De l’avis de Demba Siby, Responsable du réseau d’agences bancaires à La Banque Agricole du Sénégal (LBA), plusieurs facteurs sont avancés pour justifier les départs des grandes banques européennes d’Afrique qui, au début des années 2000, avec les taux de croissance affolants du continent, sa démographie en plein essor et les perspectives d’émergence d’une nouvelle classe moyenne, attisaient les convoitises.

D’abord, explique M. Siby, avec la succession de crises − contre-choc pétrolier, la crise sanitaire de Covid-19, la guerre en Ukraine et surtout les économies largement informelles, les banques occidentales sont en train de quitter l’Afrique et ainsi concrétiser leur intention de se focaliser sur les continents de l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Europe qui présenteraient des perspectives de rentabilité plus élevées et de maîtrise des risques. Ensuite, il cite l’impact de la concurrence accrue au niveau du secteur bancaire africain au cours des 20 dernières années grâce au développement des grands groupes bancaires panafricains : Attijariwafa Bank, Coris Bank, BGFI, Ecobank, BSIC, Oragroup, UBA, Standard Bank, etc. « En résumé, il s’agit de répondre à des soucis de rentabilité en cédant les franchises les plus risquées pour réduire les coûts en capital au niveau de la maison-mère soumise à la rigueur de la supervision de la Banque centrale européenne (BCE) », analyse Demba Siby.

Dans la même veine, Séga Baldé, expert bancaire et ancien Secrétaire Général de l’Association des Banques de l’Afrique de l’Ouest (ABAO), soutient que ces départs peuvent s’expliquer par la baisse continue de l’apport des filiales africaines aux chiffres d’affaires maisons-mères. « La part des filiales africaines dans les chiffres d’affaires de la BNP Paribas, la SG et le Crédit lyonnais n’était plus aussi élevée que par le passé. Elles ont jugé plus utiles de recentrer leurs efforts dans d’autres zones où elles peuvent gagner beaucoup plus d’argent », estime cet ancien cadre de la BICIS. Il cite également le problème de conformité comme facteur explicatif du départ de ces banques. Pour lui, les banques maisons-mères n’ont pas une prise totale sur leurs filiales africaines pour s’assurer que toutes les conformités sont respectées.

Ces risques qui peuvent se produire…

Face au retrait des banques étrangères, l’Afrique de la finance doit s’adapter à un environnement de plus en plus instable, prévient Demba Siby, Responsable du réseau d’agences bancaires à La Banque Agricole du Sénégal (LBA). Il soutient que les désengagements des banques européennes pourraient avoir des conséquences importantes, notamment la réduction de l’accès aux services financiers pour les populations. De plus, cela pourrait limiter les opportunités de développement pour les entreprises africaines et renforcer la dépendance vis-à-vis des banques locales et internationales. Il est crucial, alerte-t-il, de suivre de près l’évolution de la situation et de mettre en place des mesures appropriées pour atténuer les effets négatifs potentiels sur les populations africaines et sur le développement économique du continent. Ainsi, le désinvestissement des banques européennes en Afrique ouvre la voie à de nouvelles opportunités pour les acteurs locaux. L’ancien cadre à la BICIS, Sega Baldé se montre plus optimiste et nuance quant aux implications liées au retrait des banques européennes du marché africain. « Ces départs se sont réalisés dans un contexte où il y a suffisamment de cadres africains capables de gérer une banque, de la direction générale jusqu’au au planton ; il y a peu de risques, du moins au plan opérationnel », relativise Sega Baldé.  Toutefois, il estime qu’au niveau stratégique, il faut que les nouveaux propriétaires de banques fassent la différence entre les activités de banques, activités d’industries et d’assurance.

D’autres banques dans le viseur ?

L’expert bancaire rappelle que le mouvement de désengagement des banques françaises en Afrique amorçait après la crise financière de 2008 avec le groupe Crédit Agricole, la BICIS en 2022. « On ne s’attend pas à d’autres retraits car les banques panafricaines qui interviennent sur la place de Dakar sont capables de réaliser des économies d’échelle. Elles peuvent mettre en œuvre des fonctions à l’échelle du groupe et transférer le savoir-faire ainsi que les compétences et les produits bancaires adaptés au marché local », explique-t-il. Les institutions financières africaines d’une manière générale et sénégalaises en particulier ont l’occasion de renforcer leur position sur la place de Dakar et de jouer ainsi un rôle plus important dans le développement économique du pays. D’où la nécessité, à son avis, de mettre en œuvre des réformes majeures dans le secteur bancaire permettant à l’Etat du Sénégal de mutualiser les forces et les ressources de l’ensemble des banques d’Etat afin de mieux structurer l’offre et développer de nouveaux produits utiles porteurs d’opportunités de développement économique et social du Sénégal. Pour cela, il serait pertinent, préconise-t-il, de mettre en place une grande holding bancaire qui regrouperait les trois grandes banques d’Etat (LBA, BNDE et BHS) capables de prendre en charge le financement de l’économie du pays, de concurrencer les grands groupes panafricains et de relever considérablement le niveau de la bancarisation du pays.

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