Dans les villages de Nyunzu et Kabalo, quelque chose de profond est en train de changer. Ce ne sont pas seulement des réunions d’épargne – ce sont des moments de transformation. Portées par les AVEC, des femmes et des hommes redessinent les contours de leur avenir.
Dans un contexte marqué par l’insécurité alimentaire, les conflits et la vulnérabilité économique, la résilience des communautés rurales en République démocratique du Congo (RDC) est plus que jamais une priorité. La FAO mise sur les Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (AVEC) comme levier de transformation sociale et économique, notamment dans la province du Tanganyika. Ce système d’épargne et de crédit, avec des taux d’intérêts réduits, propulsé par la FAO depuis plusieurs années, aide les communautés à créer ou mener des activités génératrices de revenu qui contribuent à renforcer leur autonomie financière.
Soutenues par la FAO, en partenariat avec le PAM dans le cadre du programme conjoint de résilience financé par la Norvège et la Suède, les AVEC permettent aux populations rurales de constituer une épargne collective et d’accéder à de petits crédits pour financer des activités génératrices de revenus. À ce jour, 350 AVEC ont été mises en place, regroupant 8 585 membres, dont près de 58 % de femmes. Au-delà de la finance solidaire, ces associations se sont révélées être un puissant moteur d’autonomisation économique, de cohésion sociale et de résilience communautaire. Généralement, elles se réunissent une à deux fois par semaine, pour apporter leur cotisation. L’engouement est perceptible et dans un contexte post-conflit, à la suite des affrontements intercommunautaires, cette mobilisation renforce la cohésion sociale au sein des AVEC.
Sidonia Kungwa Lupiya, présidente de l’AVEC Neema wa Mungu de Nyunzu, en témoigne : “ Quand j’ai intégré notre association j’étais ignorante. Aujourd’hui je sais comment épargner et prendre des crédits. Nous avons été formés sur le fonctionnement de l’AVEC et le crédit nous aide beaucoup dans notre groupe de développement et nous épargnons 1000 FC par personne que nous versons dans notre caisse“. Sidonia a pu lancer une activité de vente de poisson séché au marché local et entamer les travaux de construction de sa maison. Mais au-delà des gains économiques, elle souligne aussi l’impact social du groupe : discipline, transparence, gestion rigoureuse, entraide et dialogue entre communautés, y compris avec les Twa, autrefois marginalisés.
La mise en place des associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC) accroît l’autonomie économique et les revenus des adhérents.
Les AVEC, au cœur de l’autonomisation économique des femmes
Jolie Mukombwe Amunazo, membre de l’AVEC Maendeleo, partage une transformation personnelle remarquable. Réservée et timide à son arrivée, elle est aujourd’hui une femme confiante, capable de s’exprimer devant un groupe : “personnellement, depuis mon adhésion à l’AVEC, je peux affirmer que j’ai gagné en attention, en confiance, en épanouissement. A travers ma participation, j’ai réussi à vaincre ma timidité, je deviens de plus en plus audacieuse et dynamique. Il m’était difficile de lever pour m’exprimer devant un public, mais désormais, grâce à l’AVEC, c’est faisable”.
Grâce à une formation en entrepreneuriat et en gestion d’AGR (activités génératrices de revenus), Jolie a contracté un premier prêt de 28 500 FC (environ 10 USD) pour démarrer une petite unité de production de savon. Elle vend chaque semaine entre 25 et 30 barres de savon, dégageant un bénéfice hebdomadaire de près de 70 000 FC, soit environ 25 USD. Ce revenu lui permet non seulement de subvenir aux besoins de sa famille, mais aussi de planifier l’avenir avec plus de sérénité.
Les exemples se multiplient : production de beignets, vente de poisson, commerce de pagnes, fabrication de pain, petit élevage. Toutes ces activités ont vu le jour grâce aux prêts accordés par les AVEC. Et avec elles, une fierté nouvelle émerge, en particulier chez les femmes, qui ne dépendent plus de leurs maris pour faire face aux dépenses du ménage, et peuvent désormais scolariser leurs enfants, assurer la nourriture quotidienne et investir dans leur foyer. Pour beaucoup, cette autonomie redonne sens à leur place dans la société.
Leurs activités font vivre les villages et leur réussite est la preuve que les producteurs du Tanganyika, peuvent améliorer leurs conditions de vie et faire preuve de résilience lorsqu’ils ont accès aux ressources adaptées.
Un modèle qui fait la différence
Ce modèle fonctionne, et il change des vies. Aboubakar Bulaya Dieudonné, autre membre actif de l’AVEC Neema, raconte comment son engagement dans le groupe a permis de stabiliser son foyer. « Grâce à mes activités, j’ai résolu le problème alimentaire dans ma famille et j’ai pu scolariser mes enfants. Trois d’entre eux ont obtenu leur diplôme d’État secondaire », affirme-t-il avec fierté. Comme lui, des centaines de familles ont trouvé dans les AVEC un levier de stabilité durable.
“Grâce au même projet, nous avons également appris à économiser les fruits de vente de nos productions et à mieux les gérer à travers l’AVEC. Nous avons également appris à solliciter des prêts financiers à la caisse communautaire afin de réaliser des activités génératrices de revenus ”complète Aboubakar.
La portée de ces résultats est tangible. Collectivement les membres des AVEC ont pu épargner plus de 152,000 USD. Environ 98% d’entre eux ont accédé à des crédits totalisant plus de 105 000 USD, dont a peu près de 35 000 USD à Nyunzu et 70 000$ à Kabalo pour réaliser des activités génératrices de revenus. En moyenne, chaque ménage impliqué tire désormais un revenu hebdomadaire de 21,56 USD, soit une hausse de 35,3 % par rapport à 2023, et de 100 % en comparaison à l’année 2022. Cela a favorisé l’émancipation et l’amélioration des conditions d’existence pour un grand nombre de ménages affiliés aux AVEC.
Mais au-delà de l’impact économique, les AVEC jouent un rôle essentiel dans le processus de paix. Dans une région marquée par les affrontements passés entre communautés Twa et Bantu, ces associations deviennent des espaces de dialogue, de reconstruction du lien social et de valorisation des savoir-faire locaux. En favorisant l’inclusion, la transparence et l’engagement collectif, elles participent activement à renforcer la cohésion dans des zones encore fragiles.
L’expérience du Tanganyika prouve qu’avec des ressources adaptées, des formations ciblées et un accompagnement de proximité, les populations rurales sont non seulement capables de résister aux chocs, mais aussi de bâtir un développement inclusif et durable. Grâce aux efforts conjoints de la FAO, de la Norvège et de la Suède, les villages autrefois vulnérables deviennent peu à peu les acteurs de leur propre transformation.
Distribué par APO Group pour Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO): Regional Office for Africa.