Le Port autonome de Dakar (PAD) traverse une phase charnière. L’agence de notation GCR Ratings a annoncé, le 29 août 2025, l’abaissement de la note d’émetteur de long terme du PAD de A-(WU) à BBB-(WU), ainsi que celle de son emprunt obligataire de 60 milliards FCFA, émis en 2020 et arrivant à échéance en 2027. La note de court terme a également été abaissée de A2(WU) à A3(WU). La perspective reste toutefois jugée stable.
Selon GCR, « cette révision reflète l’intensification des risques liés au contexte macroéconomique sénégalais, marqué par un endettement public élevé et des déséquilibres persistants. »Ces facteurs pèsent sur l’environnement opérationnel du port, malgré ses performances financières en progression et sa position stratégique sur la façade atlantique, au carrefour des échanges entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques.
Des marges en hausse mais un endettement élevé
Le PAD a enregistré en 2024 une croissance de ses revenus de 9,3 %, tandis que ses autres produits d’exploitation ont bondi de 27 %. Parallèlement, ses charges de personnel ont reculé de 4,4 %, témoignant d’une politique sociale maîtrisée. Ces évolutions ont permis une marge d’EBITDA de 35,8 %, contre 31 % en 2023. La marge nette a atteint 25 % fin 2024, contre 20 % en 2023 et seulement 5 % en 2021. La liquidité du port s’est aussi nettement renforcée selon GCR en 2024, ses sources couvraient plus de 200 % des besoins de liquidité à un an. GCR estime que cette couverture devrait rester confortable dans une fourchette de 125 % à 175 % au cours des 12 à 18 prochains mois.
En revanche, l’endettement reste préoccupant. Le ratio dette brute/EBITDA s’élevait à 8,9x fin 2024, après avoir atteint 12,9x en 2023 et 9,8x en 2022. Ce niveau traduit une capacité de désendettement limitée. La couverture des intérêts nets s’établissait à seulement 1,3x en 2023, loin des standards de confort.
Pression des investissements et modernisation nécessaire
Le PAD mène d’importants projets de modernisation, dont la construction du Port de Ndayane, appelé à renforcer l’attractivité logistique du Sénégal. Ces investissements, jugés indispensables pour maintenir sa compétitivité régionale face à la montée en puissance d’autres hubs ouest-africains, exercent une forte pression sur sa trésorerie et expliquent la poursuite d’une politique d’endettement jugée « agressive » par GCR. Sans ces investissements, « le port risquerait de voir s’éroder son avantage comparatif, alors que sa localisation lui confère aujourd’hui un gain de temps de navigation sur ses concurrents de la sous-région. »
Pour l’agence, la perspective stable repose sur l’anticipation d’une amélioration continue des performances opérationnelles, grâce au désengorgement progressif du port et à une maîtrise renforcée des coûts. Toutefois, GCR met en garde, un nouvel abaissement de la note pourrait intervenir si la marge nette se dégradait sous l’effet de charges financières croissantes, ou si la liquidité venait à se détériorer.
À l’inverse, un rehaussement de la notation supposerait une amélioration marquée de la rentabilité, une réduction de l’endettement ramenant le ratio dette/EBITDA sous 5x, et une couverture des intérêts supérieure à 4,5x. Introduit à la BRVM en 2020 avec un emprunt obligataire de 60 milliards FCFA (107,2 millions USD) à 6,6 %, le PAD continue d’honorer régulièrement le service de sa dette. Son rôle central dans l’économie sénégalaise en fait un acteur stratégique, mais aussi vulnérable aux fluctuations macroéconomiques et aux tensions budgétaires de l’État, son unique actionnaire.