Président de l’Autorité des Marchés Financiers de l’Union Monétaire Ouest Africaine (AMF-UMOA), Badanam PATOKI, dans cet entretien exclusif accordé au magazine financier Le Marché, analyse l’apport des six Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI) dans l’animation du marché financier régional en termes de volumes et de valeurs des transactions. Il annonce, par ailleurs, une série de réformes en cours pour consolider le rôle des SGI dans l’inclusion financière et la mobilisation de l’épargne.
Quel est le rôle de l’AMF-UMOA dans l’organisation et le fonctionnement du marché financier régional ?
L’Autorité des Marchés Financiers de l’UMOA (AMF-UMOA), anciennement CREPMF, est l’Organe de régulation du marché financier régional depuis 1996. Elle a pour mission de protéger l’épargne publique et garantir un marché transparent et fiable au bénéfice des investisseurs comme des émetteurs.
À ce titre, elle est investie notamment des prérogatives ci-après : encadrer les appels publics à l’épargne en délivrant les visas nécessaires et en veillant à l’introduction de nouveaux produits financiers dans des conditions sécurisées ; agréer et habiliter les acteurs du marché, homologuer leurs tarifs et délivrer les cartes professionnelles ; réglementer et arbitrer, à travers l’édiction des règles, l’interprétation des textes et la gestion des différends ; contrôler l’activité des intervenants et le respect des obligations des émetteurs ; enfin, sanctionner les manquements au bon fonctionnement du marché, par des mesures administratives, disciplinaires ou pécuniaires.
En résumé, l’AMF-UMOA est le garant de la régulation, de la transparence et de la stabilité du marché financier régional, au service des épargnants et du financement des économies de l’Union.
Quel est aujourd’hui le poids des Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI) sénégalaises dans le marché financier régional de l’UMOA (en termes de volumes et de valeurs des transactions) ?
Au 31 août 2025, le marché régional compte 38 SGI, dont 6 installées au Sénégal. Leur poids est significatif : elles conservent près de 16 % des avoirs des investisseurs (2 678 milliards de FCFA sur 16 619 milliards) et contribuent de manière notable à l’animation du marché.
En 2024, elles ont réalisé près de 24 % des transactions boursières et arrangé 23 % des levées de fonds par syndication, soit environ 430 milliards de FCFA. Cette performance traduit leur dynamisme, même si elle reste fortement orientée vers les émissions souveraines. Le défi est désormais de diversifier davantage leurs interventions, notamment au profit du secteur privé et des PME.
Comment vous appréciez le rôle des SGI sénégalaises dans la vulgarisation de la culture boursière et la sensibilisation des investisseurs ?
Les SGI sénégalaises se mobilisent activement pour la promotion de la culture boursière, à travers des webinaires, forums, journées APSGI et autres initiatives de proximité. De son côté, l’AMF-UMOA a organisé en 2024, à Dakar, son premier Colloque scientifique sur l’inclusion et la performance du marché financier régional, réunissant chercheurs, praticiens et régulateurs.
Malgré ces efforts, la participation du grand public demeure limitée : les particuliers représentent moins de 5 % des souscriptions aux émissions obligataires et le Sénégal ne compte que 31 553 comptes-titres ouverts sur près de 197 000 dans l’Union à fin 2024. Pour l’AMF-UMOA, l’enjeu est clair : rendre la bourse plus accessible, notamment aux jeunes et aux femmes, en renforçant l’éducation financière et la communication digitale.
Existe-t-il des programmes conjoints AMF-UMOA–SGI visant à promouvoir l’éducation financière au Sénégal ?
À ce jour, il n’existe pas de programme conjoint formalisé entre l’AMF-UMOA et les SGI du Sénégal. Toutefois, ces dernières participent activement aux ateliers et rencontres régionales organisés par l’Autorité. L’AMF-UMOA travaille également sur des projets structurants tels que la certification des professionnels du marché ; une stratégie régionale de littératie financière, appuyée par un fonds dédié.
À terme, l’objectif est de co-construire avec les SGI des programmes spécifiques, afin de mieux toucher les populations, renforcer la confiance des investisseurs et stimuler l’attractivité du marché.
L’AMF-UMOA envisage-t-elle de mettre en place des réformes ou des mesures incitatives pour consolider le rôle des SGI dans l’inclusion financière et la mobilisation de l’épargne ?
La modernisation du marché est au cœur de la stratégie de l’AMF-UMOA. Plusieurs réformes majeures sont en cours : harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières pour plus d’équité entre les États membres ; réduction des tarifs du marché, afin de rendre l’investissement plus accessible ; encadrement de la finance technologique et participative, comme le crowdfunding et les fintechs, pour tirer parti des innovations.
Ces réformes visent un objectif central : bâtir un marché plus attractif, inclusif et tourné vers l’avenir, capable de mobiliser davantage d’épargne au service du financement des entreprises et du développement de nos économies.


