La 6ᵉ édition du « Mois d’octobre, mois du consommer local » s’est ouverte à Ouagadougou avec un message clair : faire de la consommation des produits locaux non pas seulement un acte citoyen, mais un moteur de transformation économique pour l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Portée par les autorités politiques, la Commission de l’UEMOA et la Chambre consulaire régionale (CCR), l’initiative se veut une réponse aux défis de compétitivité, de souveraineté alimentaire et de création d’emplois.
Représentant le gouvernement burkinabè, le conseiller technique du ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, Séidou Ilboudo, a souligné la dimension politique et sociale du projet. « Consommer local, c’est faire vivre nos producteurs, soutenir nos entrepreneurs, créer de l’emploi pour notre jeunesse et s’inscrire dans une logique de dignité et de développement durable », a-t-il rappelé. Pour le Burkina Faso, l’engagement est ancien et s’enracine dans l’héritage du capitaine Thomas Sankara, qui avait lancé le slogan « Consommons ce que nous produisons, produisons ce que nous consommons ». L’État burkinabè mise désormais sur des infrastructures de transformation pour donner corps à cette ambition : deux usines de transformation de tomate fonctionnent déjà à Bobo-Dioulasso et Yako, une troisième est en chantier à Tenkodogo, tandis que l’usine BRAFASO est en cours de réhabilitation. Dans le secteur minier, l’Agence de promotion de l’entrepreneuriat communautaire investit dans des sociétés minières pour favoriser une exploitation semi-mécanisée de l’or.
Trajectoire stratégique « Impact 2030 »
Au niveau régional, le président de la Commission de l’UEMOA, Abdoulaye Diop, a replacé l’initiative dans la trajectoire stratégique « Impact 2030 ». Selon lui, le mois du consommer local « est devenu un rendez-vous annuel de réflexion sur notre modèle de développement économique ». Le thème retenu cette année – « Consommer local, facteur de développement des chaînes de valeur régionales compétitives de l’UEMOA » – illustre l’ambition d’une transformation structurelle des économies. L’enjeu dépasse la simple promotion des produits locaux : il s’agit de substituer à une économie fondée sur l’exportation de matières premières brutes, une économie capable de transformer ses ressources et d’exporter des produits à haute valeur ajoutée.
Pour atteindre cet objectif, la Commission entend concentrer ses efforts sur des filières prioritaires telles que le coton-textile, le riz et les engrais-phosphates. « Le développement d’une chaîne de valeur coton-textile-habillement compétitive à l’échelle régionale pourrait créer des milliers d’emplois, réduire notre dépendance vis-à-vis des importations et valoriser notre production locale », a expliqué Abdoulaye Diop. Le même raisonnement s’applique au riz, aliment de base des populations largement importé malgré les potentialités agricoles de l’Union, et aux engrais, alors que la sous-région dispose de gisements importants de phosphates. La Commission prévoit aussi le développement de nouvelles filières : céréales (maïs, mil, sorgho), tubercules, oléagineux, produits agroforestiers, élevage, pêche et aquaculture, mais aussi industries culturelles et services environnementaux.
Consommer local
La Chambre consulaire régionale (CCR), qui représente le secteur privé communautaire, a confirmé son alignement avec cette stratégie. Dans son discours, prononcé au nom de la présidente Helena Nosolini Embaló, la CCR a salué « une croissance économique robuste de 6,3 % en 2024 et une inflation contenue à 3,5 % », signes de la résilience de l’espace UEMOA. Elle a insisté sur le rôle central du secteur privé dans la construction des chaînes de valeur compétitives et sur l’importance du Plan stratégique « Impact 2030 », qui ambitionne de bâtir treize écosystèmes productifs dans l’agro-industrie, les industries légères et extractives, ainsi que les services à forte valeur ajoutée.
La CCR met également en perspective la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). « Construire des chaînes de valeur compétitives et diversifier nos exportations, c’est aussi préparer notre intégration dans le marché continental unifié », a rappelé la représentante de l’institution. Le marché régional de l’UEMOA, avec ses 144 millions de consommateurs, constitue déjà un socle solide, mais sa pleine exploitation dépendra d’un changement des habitudes de consommation et d’une préférence affirmée pour les produits « made in UEMOA ».
Les trois interventions convergent ainsi autour d’une même idée : consommer local aujourd’hui, c’est investir dans l’avenir. C’est créer des emplois pour les jeunes et les femmes, renforcer l’innovation entrepreneuriale, mais aussi accroître la souveraineté économique de l’Union. La Commission de l’UEMOA en appelle désormais à un engagement collectif des États, du secteur privé, des partenaires financiers mais aussi des citoyens-consommateurs pour transformer l’essai.

