vendredi, octobre 3, 2025

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PI-SPI DE LA BCEAO: Enjeux et potentiels impacts d’un projet ambitieux 

La Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané (Pi-Spi) de la Banque centrale des États de l’Afrique (BCEAO) a été lancée mardi 30 septembre au siège de la BCEA, à Dakar. Pour le Marché, des experts analysent les enjeux, implications et potentiels impacts de cette révolution. 

Dans la zone UEMOA, la Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané (Pi-Spi) est un projet majeur de la Banque centrale centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Le lancement officiel est prévu pour le 30 septembre 2025. Pour Papa-Abdoulaye Ndiaye, Conseiller en transformation numérique et Co-Fondateur de Finappli, il s’agit d’une révolution silencieuse qui pourrait transformer en profondeur l’inclusion financière, la compétitivité des entreprises et la modernisation des institutions publiques.

Il voit dans ce projet un levier inédit d’efficacité économique. Ce qui lui fait dire que l’intéropérabilité va d’abord répondre à une frustration quotidienne : les difficultés de transférer facilement de l’argent entre banques, SFD et Mobile Money. Ainsi, il considère qu’il y’aura moins de barrières, plus de fluidité, davantage d’inclusion. « Mais l’impact le plus fort sera peut-être ailleurs, dans la gestion de trésorerie des entreprises et institutions publiques », analyse Papa Abdoulaye Ndiaye.

De son côté, Falilou Kane, expert financier, considère que ce projet présente des perspectives prometteuses, car elle est un catalyseur de l’intégration régionale, un moteur de croissance économique et d’inclusion financière. Elle devra cependant, selon lui,  faire face à un certain nombre de défis tels que l’absence d’harmonisation des réglementations nationales, l’insuffisance des infrastructures, notamment les réseaux de communication, et principalement la sécurisation des données en matière de partage d’informations et d’intégration des systèmes.

Pour le consultant en Banque, Ismaila Diouf, par ce projet d’interopérabilité, la BCEAO enclenche une révolution financière et numérique dans l’espace UEMOA, par une optimisation des opérations bancaires et des services clients. Les avantages économiques et sociaux de cet outil sont, à ses yeux, la facilitation des transactions frontalières comme celles locales et une meilleure inclusion financière vis à vis de populations peu bancarisées, mais déjà familiarisées avec les applications de mobile Money. 

Un catalyseur pour les Fintechs

De l’avis de Papa Abdoulaye Ndiaye, loin d’être une contrainte, l’interopérabilité oblige l’écosystème à se réinventer. Pour les Mobile Money, il considère que c’est un moyen de fidéliser les clients avec une expérience plus riche et interconnectée. Pour les fintechs, il est d’avis que c’est l’occasion de proposer de nouveaux services  tels que paiements marchands fluides, micro-crédit, assurance inclusive, épargne digitale. « Pour les fintechs B2B comme la nôtre, spécialisée dans le cash management, c’est une opportunité majeure. Les entreprises et administrations pourront enfin agréger en temps réel des flux multicanaux (banques, SFD, mobile money). À nous d’innover pour transformer cette donnée en valeur : prévisions de trésorerie, pilotage des risques, optimisation des coûts financiers », préconise Papa Abdoulaye Ndiaye. 

Abdoulaye Camara, analyste financier junior, lui, estime qu’un commerçant dakarois pourra désormais recevoir instantanément un paiement d’un client abidjanais via Orange Money sans passer par les circuits bancaires traditionnels. Cette fluidité, dit il, stimulera le commerce intra-UEMOA, aujourd’hui freiné par la fragmentation des systèmes de paiement. « L’impact sur le PIB régional sera substantiel, notamment pour les cinq pays leaders qui totalisent 95,6% du volume des transactions : Burkina Faso (29,3%), Côte d’Ivoire (24,4%), Sénégal (16,5%), Mali (12,8%) et Bénin (12,6%) », explique Abdoulaye Camara.

Sur le plan social, il en déduit que l’interopérabilité constitue un levier d’inclusion financière décisif dans une région où 8,78 milliards de transactions de monnaie électronique ont été réalisées récemment. « Pour les familles sénégalaises envoyant des fonds vers la Guinée-Bissau ou le Niger, les frais passeront de 5-10% actuellement à moins de 1%. Les flux financiers entre banques, institutions de microfinance, fintechs et opérateurs de mobile money seront ouverts 24h/24 et 7j/7, avec des transferts exécutés en quelques secondes », ajoute Abdoulaye Camara. 

Une démocratisation de l’accès aux services 

La PI-SPI, aux yeux d’Abdoulaye Camara, constitue un acquis, qui connectera toutes les institutions financières agréées de l’UEMOA, notamment les banques, les fintechs et les institutions de microfinance. En résumé, dit-il, l’interopérabilité démocratise l’accès au marché en créant une infrastructure technique standardisée. Car les  fintechs émergentes n’ont plus besoin d’investir massivement dans des partenariats bilatéraux avec chaque opérateur.

Pour sa part, le consultant bancaire, Ismaila Diouf, soutient que la PI-SPI est un accélérateur dans le développement des Fintech et du mobile money, puisqu’à titre comparatif, d’autres espaces bancaires appliquent des solutions innovantes comme la blockchain ainsi que l’intelligence artificielle pour une plus grande transparence (on parle de tokenisation), et une détection à temps  des fraudes. Néanmoins, il constate qu’il ne ressort pas de la communication de la BCEAO de l’implication des Fintech dans l’implémentation de la PI-SPI alors qu’il s’agit d’une occasion majeure pour booster la créativité, l’innovation dans le développement de solutions technologiques.

La réussite par le suivi

De l’avis d’Abdoulaye Camara, le réussite de la PI-SPI nécessite une approche systémique adaptée aux spécificités ouest-africaines. Ainsi, dit-il, le  cadre réglementaire doit d’abord être harmonisé car aujourd’hui, un Établissement de Monnaie Électronique agréé au Sénégal ne peut pas opérer automatiquement en Côte d’Ivoire. « La BCEAO doit créer un « passeport fintech » régional et standardiser les exigences de fonds propres. Le ratio de couverture des EME, passé de 10,5% en 2022 à 8,3% en 2023, nécessite une harmonisation urgente des normes prudentielles », propose Abdoulaye Camara.

Pour lui, la  stratégie d’adoption doit privilégier les cas d’usage existants  tels que les transferts familiaux, le paiement de factures, les transactions commerciales de proximité. Sans oublier des campagnes ciblées dans les principaux marchés urbains de la région qui mettent en avant les bénéfices. Pour garantir la réussite du projet, Abdoulaye Ndiaye pense que cinq conditions seront décisives pour que la plateforme tienne ses promesses.

L’une d’elles est un accès équitable. À ce niveau, il estime que les règles d’entrée et de tarification doivent être transparentes et inclusives. « Les banques ne doivent pas être les seules à en tirer profit. Tous les acteurs doivent avoir les mêmes opportunités », dit Papa Abdoulaye Ndiaye. À côté, il faudra aussi, d’après lui, avec laconfiance des usagers, favoriser une collaboration écosystémique, garantir une innovation continue, ainsi qu’une intégration avec les outils de gestion de trésorerie. 

Gage de croissance des échanges 

Au niveau du marché interbancaire de l’UEMOA, le volume des échanges hebdomadaire tourne aux environs de 800 milliards de FCFA. L’interopérabilité doit permettre, selon le consultant en Banque, Ismaila Diouf, une croissance des échanges précités, mais également une plus grande connectivité entre les acteurs classiques (banques, SFD) et les opérateurs de mobile, money (Wave, Orange Money), de nature à permettre une plus grande inclusion financière. Par ailleurs, il pense qu’une plus grande concurrence entre les acteurs classiques et ceux de la mobile money doit permettre une baisse des coûts au profit des particuliers et des entreprises

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