Le Sénégal est en crise. Une crise d’abord politique qui s’est ensuite transformée en crise économique. Une crise économique sans précédent dans l’histoire. Les secteurs porteurs sont au ralenti notamment le BTP et l’informel. Le secteur informel constituant près de 90% du produit intérieur brut (PIB) est bouleversé et déguerpît des rues par les autorités administratives compétentes. Cette crise économique est la conséquence des bisbilles politiciennes entre les principaux acteurs de la scène politique. Face au régime en place, autrefois à la conquête du pouvoir se dresse une opposition emmenée par les perdants des dernières élections présidentielles de 2024.
La situation économique est catastrophique. Le pays n’a jamais été si près d’un défaut de paiements. La dette souveraine a explosé, atteignant 132% du PIB. Le malheur n’arrivant jamais seul, pour ne rien arranger à la situation, une annonce gouvernementale en septembre 2024, est venu éreinter l’image du Sénégal avec le scandale d’une dette cachée de 7 milliards de dollars. En effet, le nouveau pouvoir accuse l’ancien régime d’avoir dissimulé une partie de la dette souveraine notamment celle relative aux emprunts consentis par les établissements parapublics. Le fonds monétaire international (FMI) a immédiatement condamné ces informations, des déclarations erronées significatives des déficits budgétaires et de la dette publique sur la période 2019-2023.
Dans la foulée de ces annonces, le FMI a suspendu l’aide de 1,8 milliards de dollars (1,6 milliards d’euros) en attendant d’y voir plus clair et l’adoption de garanties fermes des nouvelles autorités pour éviter un pareil scénario. Les principales agences de notation ont successivement dégradé la note souveraine du pays. En moins d’un an, le Sénégal est passé d’un niveau de risque modéré BBB+ à un risque très élevé CCC+, traduisant une perte de confiance des investisseurs, eu égard de la trajectoire budgétaire du pays.
Le pays a perdu son lustre d’antan. La qualité de sa signature ainsi que sa capacité à rembourser ses engagements sont remises en doute. La suspension des accords avec le FMI a de facto éjecté le Sénégal des marchés financiers, l’obligeant donc à se tourner vers le marché régional (BRVM).
Le prochain budget en cours de session devant l’assemblée nationale prévoit au titre de l’année 2026, des recettes générales de 6 188,8 milliards de francs cfa et des dépenses publiques de 7 433,9 milliards de francs cfa. Des dépenses constituées en partie par 1 532,8 milliards de francs de charges de personnel et 1 650 milliards de francs cfa de charges de fonctionnement de l’administration.
Le Sénégal aura fort à faire face aux investisseurs, qui attendent mordicus le remboursement de leur argent. Pour rappel, les recettes du pétrole et du gaz tant vantées, soit 229 milliards entre 2026 et 2028 ne suffiront pas à stopper l’hémorragie, encore moins à couvrir le service de la dette de 14 870 milliards sur la même période. Il va s’en dire que le pays ne pourra pas effacer sa dette abyssale avec des ressources additionnelles ou nouvelles.
Le gouvernement mise sur une série de nouvelles taxes sur : l’alcool, le tabac, les jeux de hasard, les transferts d’argents, la hausse des impôts sur les sociétés et les revenus…etc. En somme, l’État compte ponctionné près de 6 000 milliards de francs cfa sur trois ans. Des mesures certes ambitieuses mais, déséquilibrées car reposant à 90% sur les ménages qui peinent déjà à relier les deux bouts.
Le trop plein d’impôts, laisse craindre les effets pervers de l’impôt et créant en retour un « choc fiscal » ou une récession de l’économie.
Pour raffermir sa dignité et éviter une banqueroute, le pays a fait le choix d’honorer ses engagements. Il n’aura pas d’autre choix que d’emprunter. Le processus est simple. Il s’agira de consentir de nouvelles dettes pour payer les dettes déjà existantes. Pour y arriver le gouvernement compte emprunter 6 075 milliards de francs cfa en 2026. Cette somme colossale servira principalement à : rembourser les 4 307 milliards de dettes, financer le déficit budgétaire de 1 245 milliards, absorber le déficit des opérations extérieures (OPEX) de 50 milliards, régler les 300 milliards d’arriérés sur les ressources intérieures, et couvrir les rétrocessions à hauteur de 172,8 milliards de francs cfa.
Le crédit devenu de plus rare et plus cher lorsqu’il existe en raison du haut niveau de risque d’insolvabilité du pays. À cela se greffe un horizon politique incertain marqué par la dualité politique au sommet de l’État et la bataille des élections présidentielles de 2029 qui bat des ailles …Tout ceci laissent présager des lendemains encore plus difficiles pour les populations.
L’urgence conjoncturelle de l’heure requiert de sortir des pratiques politiciennes d’antan et des querelles personnelles pour enfin s’orienter à des solutions promptes à la fois ponctuelles et structurelles. Le temps d’antenne devrait être dévouée en majorité à l’animation de débats constructifs sur les perspectives et les stratégies financières à portée de bras. La diplomatie y jouerait un rôle de choix à travers le dispositif de sauvetage diplomatique « rescue diplomatie » des Émirats Arabe Unis. En effet, la royauté de Doha dispose d’un super mécanisme d’investissement souverain destiné en particulier à des pays musulmans en difficulté. Ce mécanisme permet au pays musulman bénéficiaire de disposer de fonds liquides notamment en devise directement dans les comptes de la banque centrale. Grace au sauvetage diplomatique, Doha a ainsi pu injecter plus d’une vingtaine de milliards en Égypte et près de trois milliards de dollars au Pakistan. La titrisation pourrait également être envisagée comme solution permettant de lever des fonds en contrepartie d’une transformation de la dette.

