Dans un marché sénégalais du capital-investissement en pleine structuration, porté par une croissance soutenue et l’arrivée d’acteurs toujours plus nombreux, MediterraniaCapital Partners accompagne l’expansion de PME à fort potentiel en Afrique de l’Ouest. Pour Maty Ndiaye, Directrice générale régionale, le secteur avance, mais reste freiné par un deal-flow encore limité, une compréhension partielle du private equity par certains dirigeants et un manque d’options de sortie. Elle revient sur les tendances du marché, ses opportunités, ses défis et les leviers nécessaires pour accélérer la maturation du private equityau Sénégal.
Comment se caractérise aujourd’hui le marché des fonds d’investissement au Sénégal ?
Le marché sénégalais du capital-investissement affiche une dynamique positive. Il bénéficie d’un environnement politique relativement stable, d’une croissance soutenue au cours de la dernière décennie et d’un cadre régional, notamment via l’UEMOA, facilitant les opérations transfrontalières. La présence d’acteurs locaux, régionaux et internationaux, ainsi que d’institutions publiques et parapubliques, contribue à structurer le secteur et à orienter les capitaux vers des domaines prioritaires.
Les interactions entre investisseurs et entrepreneurs se multiplient, ce qui favorise une meilleure compréhension du private equity. Malgré cela, le marché demeure encore de taille modeste, avec un volume de transactions limité et des tickets d’investissement relativement réduits.
Toutefois, plusieurs facteurs soutiennent sa progression : une démographie dynamique, une urbanisation rapide, des investissements publics dans les infrastructures et une volonté d’intégration régionale.
Ces éléments contribuent à un environnement propice à la montée en maturité progressive du private equity. Même si le marché reste jeune, les fondamentaux structurels sont positifs et la trajectoire encourageante.
Quels sont les secteurs les plus attractifs pour les fonds d’investissement et comment évaluez-vous le cadre réglementaire régissant ce secteur ?
Plusieurs secteurs montrent un fort potentiel, en fonction de leur niveau de structuration et de leurs perspectives de croissance. Chez MCP, nous concentrons nos efforts sur quatre domaines clés :
– Services financiers : La bancarisation progresse, portée par l’évolution des usages et l’extension des réseaux d’agences et de distribution. Cette dynamique renforce l’inclusion financière, permettant à un plus grand nombre de ménages et d’entreprises d’accéder à des services financiers de base, tout en soutenant la croissance d’acteurs capables de se développer au-delà du marché local.
– Santé : La demande en services de qualité augmente, soutenue par la démographie et l’urbanisation. Cela crée des opportunités pour des acteurs privés structurés capables d’élargir l’accès aux soins.
– Éducation : Le besoin en formation professionnelle et supérieure est important. Il existe un potentiel d’expansion pour des opérateurs proposant des standards internationaux et contribuant à renforcer l’employabilité.
– FMCG / distribution organisée : L’évolution des modes de consommation stimule la demande pour des produits de meilleure qualité et favorise la substitution à l’import, soutenant la montée en capacité des producteurs locaux.
Le cadre juridique et réglementaire régional (OHADA, UEMOA) constitue un atout, en offrant une base harmonisée pour structurer les opérations. Comme dans beaucoup de marchés émergents, certains aspects pratiques, notamment administratifs, peuvent encore évoluer. Néanmoins, les efforts publics visant à améliorer l’environnement des affaires renforcent progressivement la confiance des investisseurs.
Quels sont les principaux défis que rencontrent les fonds d’investissement au Sénégal ?
Bien que la dynamique soit encourageante, certains défis structurants subsistent. D’abord, le deal-flow réellement structuré reste limité. Beaucoup d’entreprises sont encore en phase de formalisation (gouvernance, reporting), ce qui freine leur capacité à accueillir un investisseur institutionnel.Ensuite, le private equity demeure relativement nouveau pour certains entrepreneurs. La perception de la valeur qu’un fonds peut apporter, au-delà du capital, par l’accompagnement stratégique, le renforcement de la gouvernance, l’intégration de l’ESG ou l’ouverture à de nouveaux marchés, reste parfois partielle. De ce fait, certains dirigeants ne perçoivent pas encore pleinement le private equity comme une option de financement adaptée, ou en sous-estiment la valeur ajoutée.
Les options de sortie demeurent limitées : IPO, secondarysales ou rachats industriels ne sont pas encore suffisamment développés, ce qui peut allonger les horizons d’investissement.
Un autre enjeu concerne la disponibilité et la qualité de l’information. Les données financières ou opérationnelles ne sont pas toujours standardisées, rendant les due diligences plus longues.
Ces défis sont communs à de nombreux marchés émergents et tendent à s’atténuer à mesure que l’écosystème se professionnalise.
Vous préconiserez quelles mesures ou réformes pour dynamiser le marché des fonds d’investissements ?
Plusieurs leviers pourraient contribuer à soutenir le développement du capital-investissement au Sénégal.
Une première piste consiste à mieux sensibiliser les entrepreneurs au fonctionnement du private equity. Leur expliquer précisément comment un investisseur peut créer de la valeur, notamment en matière de structuration, de gouvernance, d’ESG ou d’accès à des réseaux, favoriserait l’acceptation de ce type de partenariat.
Le renforcement des capacités des PME constitue un autre levier. Des initiatives visant à améliorer le reporting financier, la gouvernance ou l’intégration de l’ESG contribueraient à élargir le nombre d’entreprises prêtes à accueillir des investisseurs institutionnels. Des programmes d’assistance technique soutenus par des institutions spécialisées pourraient y contribuer.
Le développement d’options de sortie serait également déterminant. La consolidation sectorielle (M&A), le renforcement de l’attractivité de la BRVM, et l’arrivée d’acteurs industriels régionaux ou internationaux peuvent contribuer à fluidifier le cycle d’investissement et à favoriser le désengagement.
Enfin, soutenir l’expansion régionale des entreprises sénégalaises encouragerait leur changement d’échelle. Une meilleure harmonisation des procédures au sein de la sous-région faciliterait cette dynamique.
Il s’agit moins de réformes profondes que d’améliorations progressives visant à renforcer l’écosystème déjà favorable. La collaboration entre entrepreneurs, institutions et investisseurs constituera un moteur essentiel pour accompagner cette évolution.

