Le jour se lève à Mékro, à quelque 300 kilomètres d’Abidjan, dans le centre de la Côte d’Ivoire. Les premiers rayons du soleil annoncent une chaude journée dans cette région réputée pour être une zone aux températures extrêmes. Tandis que certaines femmes reviennent du marigot pour alimenter en eau les ruches familiales, d’autres, munies de balais confectionnés à base de feuilles de palmier, tentent de restaurer la propreté des concessions mise à mal par les feuillages des arbres et les restes du repas de la veille.

Plus loin, les animaux domestiques sortant progressivement de leurs enclos, se mêlent à cette dynamique qui restitue à Mékro sa vitalité quotidienne. Dans cette zone de grande production de cultures vivrières, l’igname, le riz et le manioc sont produits en abondance. Malgré son riche potentiel agricole, Mékro est restée longtemps dans l’ombre, contrairement à d’autres localités. Les paysans, livrés à eux-mêmes, utilisaient des méthodes agricoles anciennes, ce qui limitait leurs rendements et condamnait la population à une précarité chronique. 

Ce matin-là, Koffi Kouakou Charles dit « KKC », sous le regard admiratif de ses sept enfants, aiguise une machette, l’outil rudimentaire qu’il utilise pour défricher son champ. Le trentenaire enfourche sa bicyclette en direction d’Abokouassikro, à cinq kilomètres de là, où se trouve son champ d’igname qu’il travaille depuis plusieurs années.

Jadis, Koffi cultivait l’igname « Kouba », une variété populaire dans la localité. Avec les techniques rudimentaires apprises et transmises par ses ascendants, ses rendements n’ont pas été à la hauteur de ses efforts, explique-t-il, lorsqu’il fait un retour en arrière. « Franchement, le travail était fatiguant. En plus nous utilisions les techniques à l’ancienne. Malgré les efforts fournis, les récoltes étaient faibles. C’était pénible, vraiment », soupire Koffi.

De l’espoir retrouvé

Comme pour ne pas arranger les choses, au cours du premier semestre de l’année 2024, une épidémie dite de la « peste des petits ruminants » s’est abattue sur le village et a emporté son cheptel de poulets et de chèvres. Privé de cette autre ressource, Koffi s’est tourné vers le Projet de renforcement des moyens de subsistance des petits exploitants et des femmes (PREMOPEF) (https://apo-opa.co/40ujK40) pour retrouver de l’espoir.

Mis en place par le gouvernement ivoirien, le projet est financé par le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP) (https://apo-opa.co/4lEIa36), et le Fonds africain de développement (https://apo-opa.co/4o1986y), le guichet concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement. Son objectif est de contribuer, d’une part, à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et, d’autre part, à la résilience aux effets du changement climatique des petits exploitants, des femmes et des jeunes dans la région du N’Zi.

Le projet développe trois spéculations agricoles : l’igname, le manioc, les cultures maraîchères, et la volaille traditionnelle, et vise à améliorer les conditions de vie de 60 000 personnes vulnérables, dont 50 % de femmes et 35 % de jeunes.

Au « Champ école paysan », l’une des initiatives du projet, Koffi et ses camarades, bénéficiaires du projet, ont été initiés à des techniques agroécologiques de production et de conservation de l’igname. Grâce à cette formation, Koffi a tourné le dos à l’igname « Kouba » et aux anciennes pratiques de production, au profit de nouvelles variétés « Anader » et « Cameroun » (encore appelées « R3 » et « C15 »), plus résistantes au climat et plus productives. 

Un rendement du simple au double

Dès la première récolte, en décembre 2024, le rendement du champ de Koffi a doublé, passant de deux à quatre tonnes sur la même superficie. Prévoyant, l’agriculteur a réservé trois quarts de sa production à la consommation de sa famille et aux semences de la campagne suivante. L’autre partie, représentant un quart de sa récolte, a été vendue au marché de Mékro, générant un revenu de 125 000 francs CFA (environ 250 dollars américains), une aubaine dans cette localité.

« Avant, je ne pensais qu’à survivre. Aujourd’hui, grâce à ce projet, je peux assurer l’avenir de mes enfants et même agrandir ma parcelle », se projette-t-il, enthousiaste. Koffi veut désormais passer à la vitesse supérieure et devenir l’un des plus grands producteurs d’igname de la région. L’idée de mécaniser ses activités agricoles lui donne des ailes : « Je songe à acheter une machine à buttes et un semoir pour faciliter le travail au champ et produire beaucoup plus d’igname », dit-il avec confiance.

« Le Projet de renforcement des moyens de subsistance des petits exploitants et des femmes est un outil puissant pour réduire la vulnérabilité économique des ménages et améliorer plus largement leur résilience aux chocs économique et environnementaux », explique Ceserd Waba Akpaud, le coordonnateur du projet.

« Le PREMOPEF illustre notre engagement à transformer les communautés rurales à travers des solutions durables, axées sur les besoins réels des petits producteurs. À travers des approches innovantes, nous mettons l’agriculture au cœur du développement inclusif », a souligné le coordonnateur du projet GAFSP à la Banque africaine de développement, Philip Boahen.

Dans la perspective de l’augmentation de sa production, Koffi entrevoit également un stockage à grande échelle dans un magasin pour réduire les pertes post-récolte. En outre, il se projette dans la dynamique de la diversification de ses activités. Tirant les leçons de la destruction de son cheptel par la peste des petits ruminants, qu’il attribue au manque de formation, Koffi envisage de relancer son activité avicole avec des méthodes plus sûres.  Pour ce faire, il compte suivre une formation qualifiante aux techniques d’élevage.

« C’est aussi l’occasion pour moi de combler mon déficit de connaissances du fait d’avoir arrêté trop tôt l’école », assure-t-il-, résolu à surpasser ce qui était jadis un handicap.

Grâce aux connaissances et à l’impact positif du projet dans la vie des bénéficiaires comme Koffi, un nouvel avenir se dessine pour les habitants de Mékro et de l’économie de la région du N’Zi tout entière.

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