Dans un environnement marqué par des réformes structurantes et une recherche accrue de capitaux privés, le marché des fonds d’investissement au Sénégal évolue progressivement. Cheikh Dieng, chargé des investissements chez A&A Finance and Investment Advisory, en décrypte les dynamiques, les secteurs porteurs et les leviers à activer pour renforcer son attractivité.
Comment se caractérise aujourd’hui le marché des fonds d’investissement au Sénégal ?
Le marché des fonds d’investissement au Sénégal se trouve à un stade de maturation progressive, porté par un intérêt croissant des investisseurs locaux, régionaux et internationaux. Ces dernières années, le pays a engagé d’importantes réformes structurelles, notamment avec l’adoption d’un nouveau code des investissements en 2025, destiné à renforcer la transparence, simplifier les procédures et accroître la compétitivité. Cette dynamique s’inscrit dans un environnement de stabilité macroéconomique relative, bien que marqué par une tension liée à l’endettement public et à la hausse du coût du financement, qui incitent à une gestion plus prudente des ressources. Dans le même temps, le développement du capital-investissement, la montée en puissance de sociétés de gestion locales et régionales et l’essor des fonds à impact traduisent la volonté d’accompagner la transformation du tissu économique sénégalais. Cependant, le marché demeure peu profond, confronté à un manque de liquidité et à des mécanismes de sortie limités, freinant encore la consolidation de sa croissance.
Quels sont les secteurs les plus attractifs pour les fonds d’investissement et comment évaluez-vous le cadre réglementaire régissant ce secteur ?
Les secteurs les plus attractifs pour les fonds d’investissement au Sénégal reflètent les priorités nationales de développement et les dynamiques régionales. Les technologies numériques, notamment les fintechs, jouent un rôle moteur dans l’inclusion financière et la modernisation de l’économie. Le secteur de l’énergie, porté par les projets dans le gaz, le pétrole et les renouvelables, attire également un volume croissant de capitaux, tout comme l’agro-industrie, soutenue par la volonté de renforcer la transformation locale et la sécurité alimentaire. Les infrastructures, la santé et le tourisme durable complètent cet écosystème prometteur, en cohérence avec la Vision Sénégal 2050.
Sur le plan réglementaire, l’adoption du nouveau Code des investissements en 2025, à laquelle je faisais allusion tantôt, représente une avancée majeure pour l’attractivité du pays. Toutefois, certaines lourdeurs administratives persistent, et le cadre propre aux fonds d’investissement gagnerait en clarté et en profondeur afin de sécuriser les transactions et stimuler l’innovation financière, tout en protégeant efficacement les parties prenantes.
Quels sont les principaux défis que rencontrent les fonds d’investissement au Sénégal ?
Plusieurs défis structurels et opérationnels freinent encore le développement des fonds d’investissement au Sénégal. Le premier réside dans la difficulté à identifier un nombre suffisant de projets « bancables », disposant d’un business model robuste, d’une équipe expérimentée et d’une gouvernance transparente. La stratégie de sortie (exit) représente également un obstacle majeur : le marché secondaire reste peu actif et le nombre limité de transactions entrave les IPO, contraignant les fonds à des sorties plus complexes, souvent via des cessions à des stratégiques. L’accès des PME et startups à ces financements demeure compliqué en raison de leur profil financier limité, avec un historique comptable court ou insuffisant pour évaluer le risque. S’y ajoutent des défis opérationnels, tels que la lourdeur administrative et des lacunes dans la culture financière des porteurs de projets. Enfin, face à la concurrence régionale, le Sénégal doit améliorer son attractivité relative en renforçant la simplicité des procédures, la sécurité juridique et la protection des investisseurs, afin d’attirer durablement les capitaux.
Vous préconiserez quelles mesures ou réformes pour dynamiser le marché des fonds d’investissements ?
Pour dynamiser le marché des fonds d’investissement au Sénégal, il est essentiel d’adopter une approche réglementaire, opérationnelle et structurelle. Sur le plan réglementaire, l’application effective du Code des investissements du Sénégal doit être accélérée afin de garantir la rapidité et la transparence du traitement des projets, tout en clarifiant le cadre spécifique aux fonds d’investissement, sécurisant ainsi les transactions et favorisant l’innovation financière. Au niveau opérationnel, le rôle des intermédiaires financiers, tels que les banques d’affaires et les cabinets de conseil, doit être renforcé pour réduire le fossé entre investisseurs et porteurs de projets, notamment ceux manquant d’expertise technique ou financière pour structurer leurs besoins et stratégies. Enfin, la promotion d’un marché secondaire plus actif faciliterait les sorties (exits) et contribuerait à la maturation de l’écosystème, renforçant l’attractivité du Sénégal pour les capitaux locaux et internationaux, avec l’ambition de positionner le pays comme un acteur majeur d’IPO sur la BRVM, attirant ainsi un volume croissant d’investisseurs.

