Titulaire d’un Master en Mathématique et Statistique à l’Université d’Ottawa, l’Ivoirien Hamad Diomandé a orienté sa carrière au Canada vers le service bancaire où il devient analyste de fraude dans une institution bancaire. Revenu en Côte d’Ivoire, en 2023, il évolue dans une banque en qualité de data scientist. Dans cet entretien, il analyse le déploiement dans son pays du géant américain JP Morgan qui ouvre ses bureaux à Abidjan.

JP Morgan annonce l’ouverture d’un bureau à Abidjan. Quelle lecture faites-vous du déploiement de cette institution financière en Afrique francophone ?

Il s’agit du premier bureau de JP Morgan en Côte d’Ivoire et de sa première représentation officielle dans un pays francophone africain. Il est évident que cela devrait renforcer l’image de la Côte d’Ivoire en tant que hub financier en Afrique de l’Ouest et aurait un impact significatif sur le pays et toute la sous-région. Les secteurs de la télécommunication, de l’énergie et de la construction d’infrastructures scolaires, hospitalières et sportives sont en plein essor dans la région; cette implantation permettra donc à la banque de mieux se positionner dans ces secteurs qui présentent un si fort potentiel.

En outre, il s’agit de la première implantation du géant Américain en Afrique francophone. Cette expansion pourrait renforcer les relations économiques entre les États-Unis et les pays africains francophones si celle-ci s’avère un succès. Cela permettra à JP Morgan, à son vaste réseau financier Américains et mondial de mieux évaluer une collaboration avec les pays de la même région. Cette implantation permettra encore de mieux comprendre les besoins spécifiques des entreprises et des gouvernements locaux.

En somme, le déploiement de JP Morgan en Afrique francophone est une étape stratégique qui pourrait apporter des avantages économiques et commerciaux significatifs pour les deux parties.

Comment l’arrivée de JP Morgan en Côte d’Ivoire peut profiter aux acteurs locaux et régionaux ?

L’arrivée de JP Morgan en Côte d’Ivoire aura un impact multiple sur les acteurs locaux et régionaux. L’impact premier qu’elle engendrera indubitablement est la création de nouveaux emplois et ce en favorisant également le développement des compétences locales. Bien que JP Morgan vienne avec certains de ses experts, ils auront nécessairement besoin de recruter des talents ivoiriens et ouest-africains pour soutenir leurs opérations. Ces employés locaux bénéficieront de programmes de formation spécialisés leur permettant de peaufiner leur expertise dans les services bancaires et financiers. Cela améliorera le capital humain du pays en l’enrichissant avec des compétences de classe mondiale.

Ensuite, il est évident que JP Morgan apportera un niveau de service bancaire de haute qualité. Les entreprises locales pourront ainsi bénéficier de conseils financiers sophistiqués d’autres services spécialisés adaptés aux besoins des marchés émergents. Par ailleurs, la présence d’un acteur de cette envergure stimulera la concurrence sur le marché financier local. Cela incitera les institutions financières locales à améliorer leurs propres services dans le but de rester compétitifs et de répondre aux attentes accrues des clients.

Enfin, JP Morgan représente une véritable ouverture vers l’international pour les institutions locales. Grâce à son réseau mondial, JP Morgan pourra faciliter l’accès des entreprises de la région aux financements internationaux, un atout majeur pour ceux cherchant à se développer hors des frontières nationales. Cela ouvrira de nouvelles perspectives de croissance et de partenariats internationaux pour nos acteurs locaux.

En somme, l’implantation de JP Morgan offrira des opportunités stratégiques et des avantages économiques pour les acteurs ivoiriens et régionaux, tout en renforçant leurs compétences, leur compétitivité et leur capacité à accéder aux marchés mondiaux.

Dans un de vos posts sur LinkedIn, vous alertez sur certaines inquiétudes. Pouvez-vous revenir en détail sur ces craintes ?

À la suite de cette publication, j’ai reçu de nombreux retours, tant positifs que négatifs. Cependant, plusieurs lecteurs semblent avoir omis qu’il s’agissait d’une analyse centrée spécifiquement sur les risques liés à l’implantation de JP Morgan, et non sur ses avantages. Comme vous l’aurez constaté et nous tenons à le spécifier, nous ne sous-estimons pas les retombées positives que la présence de JP Morgan pourrait apporter en Côte d’Ivoire et dans la région.

Pour revenir à la question actuelle et aux points soulevés dans ma publication LinkedIn, nous disions qu’en dépit des avantages, cette implantation présente également des risques. Premièrement, une concurrence accrue peut être certes bénéfique pour stimuler l’innovation et la qualité des services. Néanmoins, si cette compétition devient trop forte, elle risque de marginaliser les banques locales, qui n’ont pas l’envergure pour rivaliser avec une multinationale comme JP Morgan. Cela pourrait entraîner une perte conséquente de parts de marché pour les institutions locales, fragilisant ainsi le secteur bancaire national.

De plus, la présence d’un acteur international de cette envergure pourrait exercer une pression sur les régulateurs locaux, les incitant à assouplir certaines règles pour attirer et maintenir le géant américain. À long terme, cela pourrait fragiliser le cadre réglementaire, offrant des failles que JP Morgan pourrait exploiter pour maximiser ses bénéfices, au détriment des entreprises locales et de l’intérêt public. Si JP Morgan en vient à occuper une position dominante, il pourrait orienter le marché selon ses priorités, négligeant les besoins et attentes des acteurs locaux voire des gouvernements.

Un autre risque important est la migration des talents. Avec des salaires compétitifs, des formations avancées et une exposition aux marchés internationaux, JP Morgan pourrait attirer les meilleurs talents locaux. Cela pourrait affaiblir les institutions locales, qui verraient leurs compétences partir vers JP Morgan ou même vers des marchés étrangers. Cette fuite de compétences risque de réduire leur capacité à offrir des services de qualité, augmentant ainsi la dépendance des institutions locales aux solutions proposées par JP Morgan et d’autres acteurs internationaux.

Pour finir, il est important d’établir un équilibre entre ouverture aux investissements étrangers et autonomie économique pour préserver l’intérêt local. Les régulateurs locaux devront réfléchir à définir des règles qui encouragent une concurrence saine, protègent les intérêts locaux et favorisent le développement durable du secteur bancaire ouest-africain.

Propos recueillis par Dr Abdou DIAW

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