Récemment portée à la tête de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), l’ancienne ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Oulimata Sarr, se réjouit de l’annonce du nouveau Chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, de procéder à la divulgation de la propriété effective des entreprises extractives. Elle révèle que la dernière situation des déclarations de BE (Registre des bénéficiaires effectifs) reçue fin février 2024 montre l’existence de 234 entreprises déclarées et 478 bénéficiaires effectifs identifiés.
« En 2022, les entreprises pétrolières, gazières et minières ont dépensé 2034 milliards FCFA au titre des biens et services »
Dans son adresse à la nation, le Chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, promet de procéder à la « divulgation de la propriété effective des entreprises extractives, conformément à la Norme ITIE, à l’audit du secteur minier, gazier et pétrolier et à une protection plus soutenue du contenu local au bénéfice du secteur privé national ».
Qu’est-ce que cette déclaration vous inspire ?
Permettez-moi d’emblée de renouveler mes sincères félicitations à son Excellence M. Bassirou Diomaye Faye, pour son élection de mars 2024 à la tête de la magistrature suprême. Aussi, je salue son discours de haute facture, à l’occasion du 64 e anniversaire de l’indépendance du Sénégal, qui accorde une attention particulière de son gouvernement sur l’exploitation transparente des ressources naturelles. Ces axes dégagés sont des priorités identifiés dans le cadre de notre Plan de travail.
La déclaration des bénéficiaires effectifs est un chantier sur lequel le Comité national de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (CN-ITIE) travaille depuis 2016. Le processus de divulgation des bénéficiaires effectifs est une des exigences de la Norme ITIE (Exigence 2.5) que le Sénégal accorde une place de choix dans la mise en œuvre. En effet, l’adoption du décret N° 2020-791 du 19 mars 2020
relatif au Registre des Bénéficiaires Effectifs traduit les efforts consentis par l’État pour lutter contre la corruption, le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et les flux financier illicites. Il s’y ajoute l’arrêté N° 1598 du 05 février 2021 pris par le Ministère de la Justice pour établir le formulaire de déclaration pour les entreprises minières et pétrolières. Mieux, les Ministères du Pétrole et des Mines ont rappelé aux entreprises extractives, à travers des circulaires, leur obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs qui est exigée aujourd’hui avant toute autorisation de permis. D’ailleurs les codes sectoriels (mines, pétroles, impôts…) consacrent l’obligation de déclarer les bénéficiaires effectifs
des sociétés.
Aujourd’hui, le Sénégal a adhéré au Programme Opening Extractives le 30 juin 2022, afin de bénéficier un appui technique pour améliorer la divulgation des bénéficiaires effectifs. Au total, la dernière situation des déclarations de BE (Registre des bénéficiaires effectifs) reçue fin février 2024 montre l’existence de 234 entreprises déclarées et 478 bénéficiaires effectifs identifiés.
La déclaration de Registre des bénéficiaires effectifs connaitra une évolution, notamment dans sa dimension accès au grand public. C’est dans ce contexte que s’inscrit le discours du Chef de l’Etat, S.E.M Bassirou Diomaye Faye dont l’objectif est de favoriser l’accès des données au public ainsi que leur utilisation pour mobiliser les ressource publiques et lutter contre la corruption…
L’autre sujet favori du CN-ITIE reste la promotion du contenu local dans un secteur qui génère des milliards dans la phase d’exploration et d’exploitation. En 2022, les entreprises pétrolières, gazières et minières ont dépensé 2034 milliards FCFA au titre des biens et services. Comparé à la contribution globale des revenus captés par l’État (242 milliards FCFA), nous osons affirmer que les mécanismes doivent être
davantage développés pour outiller les entreprises locales à capter ces opportunités. Je suis d’avis que les revenus générés par l’activité extractive doivent profiter à tous les Sénégalais, aux communautés impactées, aux investisseurs. Sur l’audit des contrats pétroliers, gaziers et miniers, il est évident que les retombées socioéconomiques doivent être maximisées ; d’où la nécessité d’assurer un partage juste et équitable de la rente minière et pétrolière.
Vous êtes à la tête de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie) depuis bientôt deux mois. Comment vous appréciez les premières expériences acquises au sein de cette institution ?
L’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE) reste un outil formidable pour impulser les réformes relatives au secteur extractif. Elle est devenue une référence incontournable de collecte et de partage d’informations fiables, exhaustives et ponctuelles pour améliorer le cadre de gouvernance. Les efforts du pays en matière de transparence des ressources minières, pétrolières et gazières ont été
reconnue au niveau international après deux (02) Validations, notamment avec un score global de « très élevé » de 93/100 dans la mise en œuvre de la Norme ITIE en 2021 et est reconnu comme pays ayant fait des progrès satisfaisants en 2018.
Mon ambition est de maintenir le cap et accélérer la mise en œuvre des recommandations issues des Rapports ITIE avant la prochaine validation prévue à compter de janvier 2025. Après Matam, région d’exploitation de phosphate, nous allons poursuivre la campagne de dissémination du rapport 2022 dans les régions minières, pétrolières et gazières.
Le Comité national fera focus sur la mise en œuvre et l’appropriation de la Norme ITIE 2023, mettant l’accent en particulier, sur la lutte contre la corruption, la transition énergétique ; les questions de genre, sociales et environnementales et le recouvrement des recettes. En élargissant le périmètre de réconciliation des données ITIE, le Comité national contribuera à la mise en œuvre de la stratégie nationale de contenu local.
Ces dernières années, les retombées du secteur extractif sont de plus en plus importantes. En 2022 par exemple, elles sont estimées à 275 milliards en 2022 dont 242 milliards affectés au budget de l’État milliards Fcfa. Comment appréciez-vous le dynamisme du secteur ?
En 2022, nous avons relevé une contribution du secteur extractif d’un montant total de 275,33 milliards FCFA (443,278 millions USD), dont 242,30 milliards affectés au budget de l’État. Ce qui porte la contribution globale du secteur extractif au budget de l’État du Sénégal à 6,85%, contre 1% en 2013. Ce qui montre l’évolution intéressante de la contribution du secteur dans le budget national. Cette proportion bien qu’étant en progression ira crescendo en perspective de la production future du gaz et du pétrole.
La mobilisation des recettes extractives en élargissant sa base fiscale reste un objectif clair de l’État du Sénégal pour financer les politiques publiques. Donc, le gouvernement doit garder en ligne de mire le coût des projets, les prix de transferts, les prix de vente des minéraux, le contrôle de la production. Notre engagement de principe est que les ressources doivent être gérées de façon transparente au bénéfice des communautés conformément à l’article 25-1 de la Constitution.
Ces derniers mois, l’exploitation minière dans les zones comme Kédougou sont émaillées de contestation. Les populations revendiquent des retombées sociales et économiques plus importantes. Sur quels leviers faudrait-il s’appuyer pour assurer l’équilibre ?
L’une de nos missions fondamentales est de promouvoir la transparence et la redevabilité sur l’étendue du territoire nationale. Le principe d’équité territoriale est au cœur de notre approche. Nous croyons fermement que l’exploitation des mines et hydrocarbures doivent impacter positivement les communautés et améliorer leurs conditions de vie. Le Gouvernement a mis en place des fonds pour accroitre la contribution du secteur extractif à l’économie nationale et à l’amélioration du niveau de vie des populations et des collectivités territoriales.
Le CN-ITIE à travers ses Rapports, ne cesse d’exhorter les autorités compétentes, d’assurer les transferts réguliers du fonds d’appui et de péréquation pour aider les collectivités territoriales à mobiliser davantage de fonds pour financer leur développement et améliorer le bien-être de leurs communautés.
Les réformes à mettre en œuvre par le nouveau régime pour améliorer la contribution du secteur extractif dans le PIB ?
Nous pensons fondamentalement qu’il faut mettre l’accent sur le contenu local pour quantifier davantage les parts minimales réservées aux nationaux et aux entreprises locales. La contribution du secteur au PIB reste modeste (4, 8%). La contribution reste encore perceptible dans les exportations (32, 16%). Par ailleurs, le renforcement du contrôle des productions sera nécessaire et la transformation locale des minerais pour créer davantage de la valeur ajoutée.
Le dernier élément à intégrer sera la meilleure utilisation des données ITIE pour identifier le manque à gagner fiscal et maximiser davantage les paiements, au-delà du nécessaire encadrement des exonérations et de leur évaluation.