L’Expert en crédit et Fondateur du cabinet M3 Finance Institute, basé à Abidjan, Patrice Dibonan Koné analyse les faits marquants du dernier rapport annuel de la Commission bancaire de l’UEMOA. M. Kone rassure que le secteur bancaire dans l’UMOA reste globalement solvable.
La Commission bancaire de l’UEMOA a publié son dernier rapport annuel. Quels faits marquants retenez-vous pour le système bancaire en 2024 ?
L’année 2024 a été marquée par une poursuite de la dynamique de croissance du secteur bancaire dans l’UMOA. Le total bilan consolidé du système bancaire a atteint 72 068 milliards FCFA, soit une progression de +9% par rapport à 2023 (+6 147 milliards). Les investissements privés, encouragés par les Etats dans la transformation des matières premières agricoles, le développement des infrastructures (routes, énergies, eau potable…), le boom de la distribution moderne sont autant de facteurs qui ont permis de réaliser cette bonne croissance. Par ailleurs, l’évolution du total bilan suit globalement la dynamique du PIB régional.
Autre fait marquant : l’évolution de la structure des crédits. Les crédits à court terme, historiquement majoritaires, passent de 52% en 2023 à 45% en 2024, tandis que les crédits à moyen terme augmentent à 48%. Cela illustre un engagement plus fort des banques dans le financement des projets à horizon plus long.
Enfin, la concentration régionale reste forte, avec la Côte d’Ivoire qui capte 35,6% des actifs bancaires, suivie par le Sénégal (19,3%). En tout, six banques ivoiriennes figurent dans le Top 10 régional en taille de bilan.
Que reflètent les chiffres concernant le système bancaire dans l’UEMOA.
Les chiffres traduisent un secteur résilient, en croissance, mais avec des disparités au sein des 8 pays de l’union et leurs 135 banques. A titre d’illustration, les deux principaux marché (Côte d’Ivoire et Sénégal) ont un total bilan de 39 343 milliards ce qui représente plus de 54% du bilan de l’ensemble de l’union. Cela implique les 6 autre pays de l’union ne représentent que 46% soit 31 707 milliards de total bilan.
Par ailleurs, les créances en souffrance ont évolué favorablement. Le taux moyen régional est de 8,5%, en légère baisse par rapport à 2023 où il était de 9,2%. Des pays comme le Bénin (4%) et la Côte d’Ivoire (6,1%) sont bien positionnés, contrairement au Niger (26,8%) et à la Guinée-Bissau (18,7%).
Peut-on parler d’amélioration ou de régression comparé à la situation de 2023 ?
Il y a clairement amélioration globale. La Côte d’Ivoire se distingue particulièrement avec une hausse de 1 285 milliards FCFA de crédits nets, suivie du Bénin (+333 milliards) et du Sénégal (+222 milliards). Néanmoins, une baisse des crédits a été observée au Burkina (-0,9%), au Mali (-1,3%) et au Niger (-18,2%), certainement en raison des importants défis auxquels ces pays font face.
Qu’en est-il de la solvabilité des banques ?
Le secteur bancaire dans l’UMOA reste globalement solvable. Le ratio moyen de 14,7% dépasse la norme exigée de 11,5%, ce qui traduit une capacité à absorber les risques. Des pays comme le Bénin (17,1%), le Sénégal (16,7%) et le Mali (16,4%) affichent des niveaux rassurants.
Cependant, des écarts importants subsistent. Le cas de la Guinée-Bissau, avec un ratio négatif ou encore le Niger avec 9%. Cela appelle une vigilance accrue de la part des autorités de supervision.
Où en est le processus de relèvement du capital social minimum, dont l’échéance est fixée au 31 décembre 2026 ?
Le processus suit son cours avec une échéance maintenue au 31 décembre 2026. Les banques doivent atteindre un capital minimum de 20 milliards FCFA. Plusieurs établissements ont déjà pris des dispositions dans ce sens.