Le marché régional des titres publics de l’UEMOA connaît une dynamique exceptionnelle au premier semestre 2025, avec un montant total levé de 6 993,75 milliards de FCFA, soit une hausse de 84,31 % par rapport à la même période de 2024. Selon la Revue semestrielle de la BRVM publiée par Finance Gestion et Intermédiation (FGI), ce niveau inédit traduit un recours accru des États au financement par emprunt intérieur, dans un contexte de tensions budgétaires et de besoins urgents en liquidités.
Le nombre d’adjudications a également bondi, passant de 90 opérations au premier semestre 2024 à 125 un an plus tard, soit une progression de 38,89 %. Les remboursements ont suivi une tendance parallèle, atteignant 4 990,29 milliards FCFA, en hausse de 68,52 %. Ce double mouvement illustre une gestion plus active du refinancement des dettes souveraines.
Malgré cette sollicitation plus soutenue des marchés, la confiance des investisseurs reste élevée. Le taux de couverture moyen des émissions, indicateur de la demande par rapport aux montants offerts, a progressé à 184,85 % contre 173,90 % un an auparavant. Ce chiffre reflète la profondeur croissante du marché régional de la dette et la solidité perçue des signatures souveraines dans la zone UEMOA.
La hausse des émissions s’appuie sur une dynamique équilibrée entre les deux grandes catégories d’instruments : les Bons Assimilables du Trésor (BAT), de maturité courte, et les Obligations Assimilables du Trésor (OAT), de maturité plus longue. Les BAT représentent encore 52,63 % du total levé, avec 3 680,88 milliards FCFA, mais les OAT enregistrent une hausse spectaculaire de 154,88 %, atteignant 3 312,87 milliards FCFA. Leur part dans l’ensemble des émissions grimpe à 47,37 %, contre 34,25 % à fin juin 2024.
Cette évolution traduit une volonté croissante des États de lisser leur profil de dette sur le long terme, dans un contexte de durcissement global des conditions financières. Elle reflète aussi l’appétit des investisseurs pour des titres offrant un rendement plus stable dans un environnement régional relativement favorable.
La Côte d’Ivoire se positionne largement en tête des émetteurs avec 3 131,56 milliards FCFA mobilisés, soit près de 45 % du total régional. Le Sénégal suit avec 1 262,50 milliards FCFA, devant le Niger (850,42 milliards), le Burkina Faso (573,17 milliards) et le Mali (530,33 milliards). À l’opposé, le Togo, le Bénin et la Guinée-Bissau enregistrent des volumes plus modestes.
Le mois d’avril a constitué le pic d’activité, avec un total de 1 782 milliards FCFA levés, traduisant une concentration des besoins de financement dans un laps de temps court. Cette intensité s’explique en partie par des échéances à honorer, mais aussi par des tensions conjoncturelles sur les recettes fiscales ou les décaissements extérieurs.
La performance du marché obligataire secondaire contraste cependant avec cette vigueur du marché primaire. Le volume des titres échangés sur la BRVM s’est effondré à 2,68 millions pour une valeur totale de 23,35 milliards FCFA. Il s’agit d’une chute de 69,92 % en volume et de 71 % en valeur par rapport à la même période de 2024. Par rapport au second semestre 2024, la contraction est encore plus marquée avec des baisses respectives de 89,02 % et 88,31 %.
Dans ce contexte de faible liquidité secondaire, les obligations souveraines ivoiriennes et sénégalaises concentrent plus de 72 % du volume échangé et 77 % de la valeur. La Côte d’Ivoire capte à elle seule 46,33 % du volume et 47,04 % de la valeur, contre respectivement 26,08 % et 30,20 % pour le Sénégal.
Néanmoins, la structure du compartiment obligataire reste en croissance. Le nombre de lignes actives s’établit à 163 à fin juin 2025, contre 153 à fin décembre 2024 et 149 un an plus tôt, soit une progression annuelle de 9,40 % et semestrielle de 6,54 %. Ce développement traduit une diversification accrue de l’offre obligataire, même si l’animation du marché secondaire demeure limitée.
Le contexte macroéconomique régional a également pesé sur les choix de financement. La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a assoupli sa politique monétaire à la mi-juin, en abaissant ses taux directeurs de 25 points de base. Le taux de refinancement est passé de 3,50 % à 3,25 %, et celui du guichet marginal de 5,50 % à 5,25 %. Cette orientation vise à soutenir la demande de financement des États tout en favorisant la croissance économique régionale.
Pour FGI, “la forte hausse des émissions publiques observée au premier semestre 2025 illustre l’intégration croissante du marché financier régional dans les stratégies de financement des États de l’UEMOA”. Toutefois, l’analyse des écarts entre pays rappelle que cette mobilisation dépend étroitement de la solidité budgétaire et de la transparence financière, des éléments devenus centraux dans l’appréciation des investisseurs.