La liste grise du GAFI, également appelée « liste des juridictions sous surveillance renforcée », identifie les pays dont le régime de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive (LBC/FT/FP) présente des déficiences stratégiques. Au cours de sa plénière tenue à Paris, l’institution a mis à jour ses déclarations sur les « juridictions à haut risque et autres juridictions surveillées » : la Côte d’Ivoire y figure.
L’inscription de l’éléphant gris sur la liste de la couleur de son pelage fait la une de plusieurs périodiques et suscite moult analyses et commentaires.
En tant que premier producteur mondial de cacao (plus de 40% de part de marché) et depuis 2015 premier producteur mondial d’anacarde (autour de 40% de la production mondiale en 2023), la Côte d’Ivoire enregistre l’un des taux de croissance économique les plus rapides et soutenus en Afrique subsaharienne depuis plus de dix ans. Il s’est engagé dans un ambitieux programme de transformation économique.
De même que le GAFI « demande des comptes » aux juridictions présentant des faiblesses dans la mise en œuvre de manière adéquate de ses normes, il encourage toute action visant à protéger le système financier, tout en œuvrant avec ces pays à remédier à leurs défaillances. Ainsi, il effectue périodiquement des sessions d’évaluation des pays au regard de ses normes. Il s’agit du processus d’Évaluation Mutuelle qui implique des examens par les pairs, selon lesquels des membres ou des membres associés de divers pays évaluent un autre pays.
Quel est l’impact potentiel de cette inscription sur la liste grise du GAFI ? Quelles sont les conséquences économiques et leurs répercussions sur le secteur financier du pays ?
« La liste grise, sur laquelle le Groupe d’action financière (GAFI) place les pays présentant des défaillances stratégiques en matière de prévention de la lutte contre le blanchiment d’argent, est un endroit sombre, avec ses conséquences : réduction des opportunités commerciales, dégradation de la note de crédit et économie en déclin », analysait Nicki Guleš, journaliste à AB Magazine dans l’édition d’avril 2023 de ce périodique.
Pour Abdur Rehman Shah, Professeur Adjoint au Département des Relations Internationales de l’Université nationale des langues modernes, à Islamabad, au Pakistan, cette mesure est considérée comme une sorte de « coercition économique » au travers de laquelle un pays doit se conformer aux normes ou bien risquer des conséquences économiques négatives. Cela étant causé principalement par un coût plus élevé des échanges commerciaux avec les partenaires en raison d’un dommage causé à la réputation.
Par exemple, après l’entrée de l’Afrique du Sud sur liste grise en février 2023, Busisiwe Mavuso ACCA, PDG de l’association Business Leadership South Africa avait souligné l’importance d’une action rapide pour éviter les dommages économiques. « L’impact économique de l’inscription sur la liste grise dépend en grande partie du sérieux avec lequel l’Afrique du Sud est perçue comme agissant pour répondre aux préoccupations du GAFI. Nous prévoyons un impact sur le PIB de moins de 1 % en raison de la hausse des coûts de transaction internationaux. À plus long terme, cependant, dans un scénario sévère où nous restons sur la liste grise pendant une période prolongée, nous pourrions voir un impact de 3 % du PIB », avait-elle déclaré.
Mesures correctives
En octobre 2024, la Côte d’Ivoire a pris un engagement politique de haut niveau à travailler avec le GAFI et le GIABA pour renforcer l’efficacité de son régime de LBC/FT.
Depuis l’adoption de son Rapport d’Évaluation Mutuelle (REM) en juin 2023, la Côte d’Ivoire a réalisé des progrès significatifs sur de nombreuses actions recommandées par le MER, notamment en renforçant son cadre juridique de LBC/FT à travers plusieurs modifications législatives et réglementaires importantes, en actualisant l’analyse du BC/FT en rédigeant des rapports de typologie sur les infractions sous-jacentes les plus à risque, en renforçant les ressources humaines et techniques de la Cellule de Renseignement Financier et des procureurs et la mise en place de l’agence chargée de la gestion des avoirs saisis et confisqués.
La Côte d’Ivoire continuera de travailler avec le GAFI pour mettre en œuvre son plan d’action
En avant toute !
La Côte d’Ivoire tiendra effectivement ses promesses. L’expérience de l’inscription sur la liste grise du GAFI pourrait bien s’avérer un héritage positif à long terme, en donnant l’impulsion nécessaire pour apporter des améliorations considérables à son architecture globale d’enquête et de poursuite des crimes commerciaux ainsi qu’à la supervision appropriée des institutions à haut risque.
Cela est davantage évident en cette veille de l’installation prochaine de JP Morgan dans le pays qui est un signe fort de son attractivité économique.
L’installation de JP Morgan en Côte d’Ivoire aura probablement un impact positif sur l’économie du pays en facilitant l’accès au financement pour les entreprises locales et en renforçant les capacités d’investissement. La présence d’une institution bancaire de cette envergure contribuera également à améliorer l’image de la Côte d’Ivoire sur la scène financière internationale et à encourager d’autres grandes entreprises internationales à suivre l’exemple de JP Morgan et à choisir la Côte d’Ivoire comme base pour leurs opérations en Afrique de l’Ouest.
L’effet d’entraînement pourrait être particulièrement bénéfique pour le secteur bancaire ivoirien qui verrait arriver une concurrence accrue, stimulant ainsi l’innovation et la diversification des services financiers.
par Fulgence Florent DJOUA, Directeur des Risques