Du lundi 3 au mardi 4 Juin 2024, le nouveau gouvernement sorti des élections présidentielles du 24 mars 2024 a levé des fonds sur le marché financier international des Eurobonds d’un montant de 450 milliards FCFA (750 millions USD), pour une période de maturité de 7 ans avec un taux d’intérêt de 7,75%. Cet emprunt de 450 milliards FCFA de Eurobonds montre une continuité et confirme la Loi des Finances de 2024 présentée par le gouvernement de Macky Sall et votée par l’Assemblée Nationale. Le  document  du  ministère  des  Finances  sous  Mamadou  Moustapha  Ba  déclarait :  « S’agissant  du financement du déficit budgétaire, il est prévu approximativement à 840,2 milliards de FCFA, soit 3,9% du PIB en 2024 comparativement à un déficit de 1045,4 milliards de FCFA projeté pour la LFI de 2023. Ce déficit sera financé essentiellement par les tirages sur les prêts et les titres publics émis sur le marché financier régional et international. »

LA RUPTURE PRONEE COMME SLOGAN DE CAMPAGNE

Le Président de la République M. Bassirou Diomaye Faye est élu au premier tour des élections présidentielles du 24 Mars 2024 sur la base d’un « PROJET » ou du programme «Diomaye-Président» qui promettait la rupture dans la gestion des affaires publiques. Si la rupture est définie comme faire les choses autrement par rapport a ce qui se faisait avant, il est clair qu’il n’y a pas encore de rupture. Pour rappel, le Président sortant M. Macky Sall avait l’habitude d’user des Eurobonds dont le dernier emprunt date de 2021, pour un montant de 775 millions d’Euros, pour une maturité de 16 ans, avec un taux d’intérêt de 5,375%. Durant toute sa gouvernance (2012 – 2024), Macky Sall a fait usage du financement des Eurobonds à quatre (4) reprises, d’un montant global avoisinant 4638 milliards FCFA.

La fréquence d’user des Eurobonds avait soulevé des critiques de ses adversaires, dont Monsieur Ousmane Sonko le leader du parti Pastef et de Monsieur Boubacar Kamara candidat de la coalition «Jengu ». Certains sénégalais se posent la question, est-ce possible de se passer des Eurobonds, vu ses taux d’intérêt élevés, ceci ne fait qu’augmenter les charges du service de la dette et met en péril sa soutenabilité.

POURQUOI LA DIASPORA

Les diasporas peuvent jouer un rôle de catalyseur dans le développement des marchés des capitaux de leur pays d’origine en diversifiant les moyens d’investissements, en créant de nouveaux produits financiers et en offrant des sources fiables de financement. Elles peuvent accroître les flux d’investissement entre pays car elles disposent d’informations importantes qui peuvent aider à découvrir les possibilités d’investissement et faciliter l’observation des règlements. En outre, ces émigrés peuvent être plus enclins que d’autres investisseurs à prendre des risques dans leur pays d’origine, car ils sont mieux à même d’évaluer les possibilités d’investissement et possèdent les contacts nécessaires pour faciliter l’investissement.

L’Éthiopie a émis des obligations destinées à sa Diaspora, et cet exemple est suivi par d’autres pays comme le Kenya, le Nigéria, le Rwanda et le Zimbabwe. L’Égypte, le Libéria, le Maroc, l’Ouganda, le Sénégal, le Mali, la Tunisie et la Zambie sont des pays africains avec une Diaspora importante qui pourraient envisager d’émettre des obligations diaspora.

L’Union africaine a officiellement adopté lors de sa 40e session tenue les 2 et 3 février 2022 à Addis-Abeba, la création du «Cadre stratégique, commercial et opérationnel pour une Société Financière de la Diaspora Africaine (ADFC)». Il s’agit d’un projet  de l’Union africaine sur les investissements de la diaspora approuvé par les ministres africains des Finances et le Comité des Représentants permanents (COREP) de l’UA le 17 décembre 2021.

Les résultats de urnes de Mars 2024 ont montré que les sénégalais de la diaspora ont voté massivement pour l’élection du candidat Bassirou Diomaye Faye. Pour dire que le soutien de la diaspora sénégalaise a ce nouveau régime est acquis, ces derniers, bien que représentant un faible pourcentage du fichier électoral restent très dynamique et sont prêts à s’engager pour accompagner les actions du gouvernement.

Les données financières collectées sur les transferts d’argent de la Diaspora vers le Sénégal par la banque mondiale montrent leur puissance financière. Ces transferts sont estimés à 1700 milliards de FCFA en 2023, soit 9,4% du PIB du Sénégal. Cette manne financière est plus importante que l’aide publique au développement.

Les Diaspora-Bonds seront des souscriptions participatives sous forme d’emprunt obligataire que le gouvernement du Sénégal mettra en place auprès de ses filles et fils résidents dans la diaspora. Diaspora-Bonds offriront des opportunités d’investissement ou placement privé innovant et inclusif. Ainsi, les professionnels, experts, travailleurs modou-modou etc… auront à leur disposition un instrument financier d’investissement à moyen et long terme. Cet instrument par les dividendes ou intérêts payés annuellement ou semestriellement, sous le contrôle du gouvernement du Sénégal, permettra aux sénégalais de la diaspora de financer leur retraite, le frais de scolarité des enfants, le paiement des frais médicaux etc… Et essentiellement, il donnera l’occasion a ceux qui le désirent de contribuer au financement du déficit budgétaire.

Les Diaspora-Bonds pourront offrir un retour sur investissement plus consistant et meilleurs que ceux obtenus en faisant des placements ou achats de « Treasury-Bonds » et « commercial papers » auprès de certaines institutions financières des pays de résidence. Par exemple, au Canada, aux Etats Unis et dans l’Union européenne, les emprunts obligataires de ces gouvernements sur une durée de maturité de 10 ans, sont de 3,39%, 4,43% et 2,62% respectivement. Alors que le gouvernement du Sénégal après avoir rigoureusement calculé le taux de retour sur investissement de ces emprunts obligataires peut offrir des taux plus élevés que ceux des pays cités.

Les fonds de financement provenant des Diaspora-Bonds, donc de l’extérieur du Sénégal vont former une partie du « money supply » et vont être déterminant dans les politiques monétaires du pays. Ces financements augmenteront la masse monétaire en circulation et seront disponibles pour financer les activités de l’économie réelle. Ils financeront une partie du déficit de la balance courante et Ils consolideront les réserves de change.

PROJECTIONS ET TECHNIQUE DE CALCUL DU TAUX D’INTERET DES DIASPORA-BONDS

Environ sept cent mille (700 000) émigrés sénégalais résidaient dans le monde en 2020. La France est de loin le pays de l’OCDE privilégié par les émigrés sénégalais : environ cent soixante mille (160 000) émigrés sénégalais résidaient en France en 2020. Viennent ensuite l’Italie, avec cent dix mille (110 000) émigrés sénégalais, l’Espagne avec cinquante-sept mille (57 000) personnes environ, et les États-Unis, avec plus de trente-deux mille (32 000).

Pour le budget 2024, le Sénégal a prévu d’emprunter 2138,4 milliards CFA pour payer l’amortissement de la dette publique (1248,2 milliards) et financer le déficit budgétaire de 840,2 milliards. C’est un financement que nos compatriotes de la Diaspora pourraient aisément assurer. En effet il suffit que chacun des sept cent mille (700 000) sénégalais de la diaspora souscrive en moyenne à des Diaspora-Bonds de 310 000 CFA.

La Diaspora sénégalaise étant éparpillée à travers le monde, particulièrement en Afrique et les continents européen et américain. Le calcul de l’Index du taux d’intérêt des Diaspora-Bonds prendra en compte d’une part les données financières internationales, régionales et nationales et d’autre part, les retours sur investissement des placements privés et publics sur les marches boursiers et financiers.

Cependant, puisque le Sénégal appartient au marché sous régional financier de l’UEMOA, il est permis de se référer au retour sur investissement de l’indice de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM). Le marché boursier BRVM sera utilisé comme un marché secondaire pour vendre et acheter ces Diaspora-Bonds une fois qu’ils feront l’objet de sécurisation.

L’idée serait de rendre l’investissement attractif et compétitif pour les investisseurs de la diaspora. Tout en prenant en compte l’aspect qu’investir avec les emprunts obligataires des pays n’a presque aucun risque (Risk-free Rate).

Dans cette perspective, la finance islamique offre aussi des possibilités de créer des Diaspora Bond sous forme de Sukuk qui remplissent les critères conformes à la Charia pour répondre dans la même foulée aux aspirations patriotiques et aux croyances religieuses des sénégalais.

CONCLUSION

Les Diaspora-Bond seront moins coûteux et moins risqués pour le Sénégal.  Ils  pourront être amortis sans ou avec peu de risques de change car nos compatriotes pourront se faire rembourser en monnaie nationale. En conclusion, les Diaspora-Bonds seront doublement bénéfiques. D’un côté, le gouvernement du Sénégal sera dans l’innovation ou la rupture, en résolvant son déficit budgétaire et ses projets de développement par ses propres enfants à travers un montage financier, innovant, transparent et inclusif. D’un autre côté, les sénégalais de la diaspora auront l’opportunité d’avoir à leur disposition un instrument d’investissement plus rentable que ceux existant dans leurs pays de résidence, tout en contribuant aux efforts de développement du pays.

Par Dr Harouna SOW (Kuala Lumpur – Malaisie) et Pr Amath Ndiaye (UCAD-Sénégal)

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