Dans cet entretien, Amarou Aw, Managing partner chez A&A Strategy, jette un regard sur le marché sénégalais du conseil et de la stratégie qui, à son avis, reste encore relativement modeste, mais il présente un potentiel très intéressant. Il revient également sur les difficultés auxquelles font face les acteurs locaux et dessine le futur de l’industrie du conseil.

Quel regard portez-vous sur le marché du conseil au Sénégal, notamment le conseil en stratégie ?

Le marché du conseil au Sénégal est encore relativement modeste, mais il présente un potentiel très intéressant. Il connaît déjà ses premières mutations avec une plus grande clarté entre les différents métiers de conseil, tels que le conseil en stratégie, en organisation, en IT, etc. Les acteurs commencent à se différencier et l’hégémonie des mastodontes de l’audit s’efface progressivement. De plus, la volonté de développement économique endogène du Gouvernement devrait marquer un tournant en faveur des marques de conseil locales et de l’expertise sénégalaise.

L’on observe ces dernières années l’émergence de nouveaux acteurs locaux qui font face aux mastodontes du conseil comme les « Big Four ». Qu’est-ce qui peut expliquer ce dynamisme ?

A mon avis, il y a au moins trois facteurs. Premièrement, nous observons depuis plusieurs années un retour des cerveaux, avec de plus en plus de Sénégalais très qualifiés et expérimentés qui choisissent de quitter l’Europe notamment pour exercer leur métier depuis Dakar. Deuxièmement, les donneurs d’ordres développent leur discernement et comprennent de mieux en mieux que l’expertise locale offre des solutions souvent plus pertinentes aux problématiques locales que des consultants basés à Paris par exemple, surtout en matière de conseil en stratégie. Enfin, Dakar a un immense potentiel pour être un hub de services pour la sous-région. Bien que le Sénégal ne soit pas la plus grande économie, son histoire, sa position géographique, sa stabilité voire son climat et d’autres atouts tels que la « téranga » en font une place idéale pour implanter sa base principale de prestation de services de type conseil.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles font face les cabinets de conseil dans leur fonctionnement au Sénégal ?

Le principal défi est encore le manque de maturité du marché, avec beaucoup de décideurs qui ne connaissent que très peu la gamme de services et la valeur ajoutée qu’ils peuvent tirer des cabinets de conseil en stratégie. Ainsi, la demande en conseil reste très déstructurée, avec de nombreuses asymétries d’information. La partie structurée est la commande faite à travers les organisations internationales de développement ; malheureusement là aussi les aprioris iconoclastes sont toujours très présents et l’essentiel de la commande est captée par des cabinets de conseil occidentaux sur les travaux importants et par des experts individuels sur du marginal. En ce sens, elles n’aident pas la structuration de notre industrie du conseil.

Nous y avons également notre part de responsabilité ; les cabinets de conseil en stratégie qui ont investi au Sénégal gagneraient à se serrer les coudes dans la sensibilisation des décideurs et la démonstration du retour sur investissement du conseil en stratégie. Nous collaborons avec d’autres confrères en ce sens ; mais les défis restent encore énormes.

Quelles appréciations faites-vous du marché sénégalais du conseil comparé à ceux des autres pays de la CEDEAO ? Notre pays offre-t-il un environnement plus propice à cette activité ?

Non, le Sénégal n’offre pas l’environnement le plus propice pour le marché du conseil. Un pays comme le Nigéria, qui constitue un bloc économique plus de 10 fois plus important que le Sénégal et où le secteur privé fort porte la croissance, présente une structure de marché beaucoup plus attractive. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’aucune grande marque internationale de conseil en stratégie n’est installée en Afrique de l’Ouest francophone. Elles ont toutes posé leurs bases au Nigéria, en Afrique du Sud et dans le Maghreb. Cela ne disqualifie pas pour autant le Sénégal, mais il faudra jouer sur d’autres leviers pour en faire une place attractive.

Comment dessinez-vous le futur du marché sénégalais du conseil et de la stratégie ?

Le marché sénégalais du conseil en stratégie continuera à se développer et à croître, répondant non seulement aux besoins du Sénégal mais également à ceux des pays de la sous-région. Les marques locales qui investissent actuellement et qui parviennent à offrir des services de même qualité que les cabinets internationaux ont un bel avenir. Nous pensons qu’elles seront amenées à devenir les acteurs dominants à horizon 2035. C’est le pari que fait A&A Strategy qui a choisi de miser sur le Sénégal comme base et qui a également choisi de rester une marque de conseil en stratégie Africaine, & pour les Afriques.

A&A Strategy a été créée en 2019 rejoignant ainsi des dizaines de cabinets sur le marché du conseil sénégalais. Comment votre structure compte tirer son épingle du jeu dans ce milieu de plus en plus concurrentiel ?

A&A Strategy a déjà une trajectoire très atypique. En moins de cinq ans, nous sommes reconnus comme une des principales marques sénégalaises de conseil en stratégie pour les décideurs. Notre modèle est simple : nous réinvestissons énormément dans nos infrastructures, notre outil de travail et nos consultants. En maintenant un standard très élevé dans notre approche et sur la qualité de notre produit, nous devenons, pas après pas, le nouveau point de référence en matière de conseil en stratégie au Sénégal.

Les cabinets sont souvent sollicités pour leur expertise. Comment A&A accompagne-t-elle les entités publiques et privées dans la réalisation de projets à fort impact ?

L’approche de A&A Strategy n’est pas commune. J’ai eu la chance d’avoir appris le métier de conseil en stratégie auprès de cadors mondiaux et d’être intervenu auprès d’entreprises et de dirigeants leaders mondiaux de leurs secteurs. A&A Strategy, c’est cette expertise technique combinée à ma vision de ce que doit être le Sénégal et l’Afrique de demain. Cette vision partagée avec mes collègues prend ses sources dans notre spécificité culturelle, notre compréhension granulaire de nos économies et notre passion pour le Sénégal et l’Afrique. Nous coconstruisons avec nos clients et nous appuyons sur leurs ressources internes pour les sublimer en y ajoutant la façon de faire « à la A&A Strategy » et des outils analytiques modernes. In fine, nous produisons un résultat tangible, pragmatique et actionnable que le client a eu le temps de totalement digérer tout au long du processus d’élaboration.

Par ailleurs, lorsque nous faisons de la mise en œuvre ou de la levée de fonds ou lorsque nous aidons l’État à négocier des contrats de Partenariat Public-Privé, nous activons d’autres leviers complémentaires pour donner des capacités d’accélération et d’atteinte de résultats sur des délais courts.

Nous sommes dans un contexte marqué par l’exploitation pétrolière et gazière ; que fait le cabinet A&A Strategy pour accompagner les projets ?

Nous considérons que le Sénégal a le potentiel de marquer un tournant majeur dans son développement économique en construisant une vraie industrie à partir de son pétrole et de son gaz. Pour jouer notre partition, nous renforçons notre expertise et notre séniorité avec l’arrivée récente de Ibrahima Kane, ancien DG du Fonds souverain, et de Mamadou Faye, ancien DG de PETROSEN. Leur expérience approfondie aide à comprendre les fondamentaux techniques du secteur, les enjeux pour l’État et les majors, ainsi que les différents interlocuteurs. Nous échangeons des idées avec les autorités publiques pour tirer le plus grand parti possible des nouvelles ressources, dans une perspective de long terme, au bénéfice des populations, des entreprises sénégalaises et des entreprises étrangères qui investissent et créent de la valeur ajoutée au Sénégal. Nous mettons également dans le débat public des repères, explications et éléments de réflexion pour aider toute personne à s’approprier le sujet du pétrole et du gaz, qui est encore trop mystifié à mon avis.

Propos recueillis par Dr Abdou DIAW

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